Historique des collimateurs de pilotage D'après un article de René
Lami L'histoire, celle qu'on écrit avec un grand H,
est très souvent controversée : selon les pays et les époques, chacun en
donne une version qui arrange son amour propre. Si l'on s'en tient à
l'histoire de l'aviation, elle n'échappe pas à la règle. On peut lire dans un petit Larousse des années 50 : Collimation (de collinéation) : action de donner à la vue une direction déterminée et Collimateur : partie d'une lunette astronomique destinée à assurer la collimation. Une autre édition 30 ans plus tard, oublie collimation, mais donne une meilleure définition : Collimateur n. m. (lat. Savant collimare pour
collineare, viser) : La définition est meilleure, car elle dit que le
faisceau est composé de rayons lumineux PARALLELES, ce qui
implique une image apparaissant à l'infini. Pour un viseur de tir,
l'image est celle d'un réticule, en général une croix, donnant la
direction du tir. DONNEES DE VOL COLLIMATEES Bien entendu, on a pensé à d'autres utilisations
que celle montrant la ligne de visée d'une lunette astronomique ou d'un
canon : dans la revue APNA (association des professionnels navigants de
l'aviation) de l'été 1962, Les pilotes y dénonçaient l'insuffisance et
les limites des instruments de bord classiques, et demandaient
l'utilisation du collimateur pour des informations de pilotage plus
précises. L'article exposait le principe à retenir, suggérant d'y
représenter une barre d'horizon à débattement angulaire naturel (ou "
1/1 ") et proposait d'utiliser l'angle d'attaque pour connaître la
portance mieux que par le paramètre indirect qu'est la vitesse. Pour
l'atterrissage sans visibilité, l'auteur de l'article préconisait un
système donnant à travers le pare-brise l'image artificielle de la piste
(ou de ses points caractéristiques). André Turcat disait : " pour voir dehors, il faut commencer par nettoyer le pare-brise ". Il avait raison, mais seulement sur ce point, car lui militait pour l'atterrissage automatique " contrôlé " par une planche classique, donc sans collimateur qui, selon lui aurait souillé le pare-brise. N'exagérons rien tout de même car s'il ne faut pas en effet mettre un arbre de Noël dans le pare-brise, le collimateur d'un Rafale Marine qui comporte pourtant, en mode approche et atterrissage, des relents d'instruments classiques, semble satisfaire ses utilisateurs qui peuvent avoir des besoins spécifiques, dus par exemple aux angles de cabré et de montée inhabituels pour un avion civil de transport.
Avant de revenir sur l'historique et la
figuration souhaitée, observons dès maintenant qu'il faut distinguer les
repères lumineux fixes sur le paysage (comme DOIT l'être un horizon 1/1
et ses repères de pente), et ceux liés à l'avion, qui en reproduisent
les mouvements sur le paysage QUELLE QUE SOIT LA SENSIBILITE de la barre
d'horizon, et occultent plus ou moins la vue extérieure. C'est alors qu'en 1970, l'ingénieur en chef
KLOPFSTEIN, du Centre d'Essais en Vol de Brétigny se rapproche de René
Lami en ces termes : Nous allons essayer de refléter ici l'évolution des conceptions, en France, au fur et à mesure que la technologie et les essais en vol permettaient d'en vérifier l'exactitude. INSTRUMENTS DE PILOTAGE. C'est leur insuffisance notoire qui a tout
déclenché et conduit à chercher autre chose. Dès l'origine du pilotage,
on a eu besoin d'instruments pour contrôler la sustentation et pour
conduire et guider les avions. Pour la sustentation, ou portance donnée
principalement par l'aile, on en est demeurés à l'époque héroïque où le
Capitaine Ferber ne la faisait dépendre que de la vitesse.
Cette vitesse reste utile pour des
limitations de structure ou pour des vitesses sur la piste, mais c'est
affreusement " ringard " de continuer à l'utiliser pour calculer
l'incidence (qu'on sait maintenant calculer directement) à partir d'une
masse d'avion mal connue, et avec 1 g d'accélération (ce qui est presque
toujours faux). En virage, on voyait défiler les repères capot
sur le paysage, et la direction se maintenait en les immobilisant, le
cap étant contrôlé par un compas magnétique dont les excursions ont été,
plus tard, assagies par gyroscope, mieux que par la viscosité d'un
liquide. Puisque l'avion vole dans les trois dimensions, on a dû aussi
assurer la navigation verticale, pour connaître l'altitude et sa
variation afin de déterminer, entre autres, les pentes de montée ou de
descente. On peut même parler de 4ème dimension pour la mesure du temps,
indispensable elle aussi. L'HORIZON ARTIFICIEL C'était un progrès considérable, malgré les
défauts des premiers appareils (précessions importantes par exemple).
Le collimateur est un moyen de donner des angles en vraie grandeur. ATTERRISSAGE ET BONNE VISIBILITE Considérons le cas général d'un avion qui s'aligne sur l'axe de piste avant son atterrissage. Un TB10 comme un B747. UNE REALITE AVEUGLANTE : la quasi totalité des atterrissages, en ce qui concerne la phase finale tout du moins, s'effectue " à vue " et manuellement.
Les atterrissages automatiques ou semi-automatiques (manuels guidés par un directeur de vol) ne sont qu'une infime minorité de la totalité de ceux pratiqués dans le monde. CONCLUSION : l'information visuelle seule contient les données de guidage essentielles pour atterrir. Encore faut-il analyser lesquelles et pourquoi. C'est cela l'objet de VOTRE travail. Quand la piste utilisée dispose d'un guidage visuel de pente (VASI ou PAPI) ou radio (glide-path), ce guidage pallie une imprécision notoire de l'information visuelle (malgré une pente et une origine au sol fixées une bonne fois pour toutes). Mais dans les cas les plus nombreux où ces aides n'existent pas, l'expérience quotidienne montre que l'on peut tout de même s'en passer. Cette expérience démontre aussi que le pilote se situe visuellement par rapport à l'axe de piste sans aucune difficulté et avec d'autant plus de précision qu'il est près de la piste : il sait à quelques centimètres près (ou décimètres pour un très gros avion), où il pose sa roue de nez et seules des conditions telles que le vent de travers, par exemple, peuvent le gêner pour se maintenir sur la ligne axiale (une telle précision est bien entendu, inutile pendant l'approche). POURQUOI ? La raison est d'une simplicité désarmante : la trace au sol du plan passant par l'axe de la piste est une ligne qui converge vers le " point de fuite " à l'horizon (fig. 1), tandis que la trace au sol du plan vertical contenant l'observateur dans l'avion est une verticale issue du même point de fuite (terre supposée plate et horizontale à l'échelle d'une approche).
On est donc aligné sur un axe au sol quand on le voit perpendiculairement à l'horizon. EXPERIENCE : placez-vous sur un sol carrelé et regardez devant vous en direction d'une ligne de joints. La ligne où vous êtes est la seule où vous " sentez " votre verticale. Toutes les autres semblent inclinées et vous les verrez tourner en faisant un écart latéral, dont le sens et la valeur vous seront évidents. Autre évidence : l'inclinaison apparente croît avec l'écart. Inversement, à même inclinaison l'écart réel est d'autant plus faible que l'on est près. Cela explique l'accroissement de précision du guidage visuel à l'approche d'une piste, sans devenir hypersensible (tandis que les signaux de l'ILS doivent être atténués). Parce que la largeur de la piste montre la grandeur de l'écart à corriger (les " fenêtres ILS " deviennent inutiles).
De même en avion quand vous voyez la piste : aucune difficulté pour vous situer par rapport à son axe... pourvu qu'il existe une référence d'horizon ! (ou de verticale réelle car celle que vous ressentez dépend de l'inclinaison de l'avion).
Si le pilote ne voyait QUE l'axe en traits pleins (et non pas les pointillés), il pourrait se croire aligné dans les deux cas car l'axe, lui, semble dans la direction de sa verticale apparente, donc perpendiculaire à son plancher, même en virage. Si on lui rétablit l'horizon, il devient évident qu'à gauche il est à gauche et qu'à droite il est à droite. Dans la nature c'est rarement la verticale qui sert de référence, mais l'horizon. Dans un collimateur, on pourrait représenter une ligne verticale, mais à l'alignement, elle se superposerait à l'axe de piste, ce qui gênerait la vue de l'endroit le plus important.
CONCLUSION : Imitons la nature, avec une référence d'horizon qui restera en coïncidence avec l'horizon vrai, et donnons aussi une image artificielle de la piste coïncidant avec la vraie. Le guidage visuel vers l'axe est donc excellent, mais il est nettement moins bon en ce qui concerne la pente. A vue, on utilise des moyens tels que la notion " pifométrique " de distance angulaire du point visé sous l'horizon, ou l'apparence plus ou moins aplatie de la piste (ou la convergence de ses bords quand le brouillard en cache une partie).
Ou la sensation de voir sur la piste un point
qui semble grossir (les autres semblent s'en éloigner) : c'est une sorte
de vecteur-vitesse sol mais dont on ignore la pente. SOLUTION : si, dans un collimateur ou tout autre système qui permettrait d'obtenir le même résultat (hologramme ?), on peut représenter une ligne d'horizon qui reste en coïncidence avec la vraie, rien n'est plus simple que de placer au dessous un repère à la valeur de la " pente géographique " choisie (ajustable de préférence, car elle peut varier selon les pistes).
Pour le père bon Dieu, dans son fauteuil de nuages, comme pour le pilote ou pour l'observateur à plat-ventre, les plans de leurs horizons respectifs sont représentés par trois droites parallèles et horizontales. Si Dieu abaisse son regard jusqu'au pilote, il le verra à un angle pi au dessous de son divin horizon, et si le pilote n'était pas un mécréant, il verrait Dieu à ce même angle pi au dessus de son propre horizon. De même, si à un moment donné, l'observateur au sol aperçoit l'avion à un angle gamma au dessus de son horizon, le pilote pourrait voir l'observateur au même moment au même angle gamma au dessous de son horizon, car bien avant les mathématiques modernes on savait déjà que les alternes-internes sont égaux. Si le pilote dispose dans un collimateur d'un
repère ajusté à l'angle gamma, il " promène " avec lui sa pente
sélectée, mais cela ne préjuge en rien de sa trajectoire future (qui
peut monter, rester horizontale, ou descendre sous une pente quelconque,
y compris gamma), mais il pourra constamment comparer la " pente
géographique " d'un point extérieur par rapport à cette pente sélectée.
Cela résout les problèmes d'imprécision du
contrôle de pente par " bonne " visibilité, mais où l'horizon apparent
(naturel) est rarement en coïncidence exacte avec le vrai (terrain en
pente, brume). ATTERRISSAGE EN VISIBILITE REDUITE OU NULLE Si on " rendait ses yeux au pilote " en lui montrant une piste synthétique avec l'horizon que l'on vient de décrire, le problème serait résolu, car on utiliserait la MEME METHODE aux instruments et à vue, celle-ci étant rendue beaucoup plus sûre par le contrôle continu de la pente, sans recours inutile à un directeur de vol. C'EST DEMONTRE DEPUIS PLUS D'UN QUART DE SIECLE ! ! !
Et toujours contré sous des prétextes fallacieux
(par exemple fiabilité... alors que toutes les informations utilisées
dans un HUD sont déjà disponibles dans les systèmes avion). Mais me direz-vous, il y a le directeur de vol ! Parlons-en ! DIRECTEUR DE VOL Ce n'est PAS un instrument de contrôle du
vol, mais un semi pilote automatique, dont le pilote humain remplace la
partie motrice, en agissant sur ses commandes de roulis et de tangage de
façon à ramener et maintenir les symboles du cadran à zéro. C'est là une
conception en contradiction totale avec l'utilisation directe des
paramètres essentielles de vol et de guidage, qu'il s'agit de choisir et
de rendre utilisable commodément. ATTERRISSAGE AUTOMATIQUE Venons-en à cet auto-land, dont on continue à
nous rebattre les oreilles, tant il est vrai que les progrès
technologiques peuvent laisser croire aux décideurs que leur but est
enfin à portée de main. Le but du pilote n'est pas celui du gestionnaire. Du mauvais gestionnaire. Toujours vers 1967, la BEA commençait
l'exploitation de son " trident ", où tout était triplé (jusqu'aux
gouvernes) et débutait une expérimentation visant, pour 1971-72, une
certification par visibilité de 100 m pour l'atterrissage et de 50 m
pour le décollage. En 1969, la dépense pour ces essais était déjà de 33
millions de dollars, et l'on en prévoyait encore 3,5 millions par an
jusqu'à la certification espérée. BILAN : Un pilote automatique dit " auto-land "
: Est-ce un point positif que d'avoir abusé le public en le persuadant que l'atterrissage est assuré si l'on dispose d'un pilote automatique ? RESPONSABILITE DU PILOTE Vous allez me dire : " alors vous êtes contre le
pilote automatique " ? En conservant ces instruments basés sur des principes désuets, on assiste à une superbe démonstration par l'absurde que le pilote humain ne peut pas faire aussi bien que l'automate. Les compagnies aériennes ayant très tôt choisi le chemin de l'automatisme, s'opposaient à la doctrine des navigants qui osaient remettre en cause les instruments de bord traditionnels (dont il fallait bien continuer à se servir), et elles contraient le développement des nouvelles informations vues à l'infini dans le pare-brise. Il fallait donc trouver un constructeur. Il y a 35 ans, les écrans à haute brillance n'existaient pas, la technologie des servomécanismes était limitée, rendant les dimensions des collimateurs difficilement compatibles avec leur installation dans les cockpits, les champs de vision étaient restreints... et dès le début les oppositions se sont manifestées sournoisement quand ce n'était pas ouvertement. À vrai dire, les arguments contre ne manquaient pas, et ils étaient parfois très pertinents, mais il fallait bien commencer. Il y eut d'abord le CSF 190, monté sur un
simulateur de Constellation en 1965, puis le type 191, monté sur une
caravelle d'essais à Brétigny. Un an plus tard, CSF sortait le type 193. Un
progrès considérable était réalisé, non seulement sur la fiabilité, mais
aussi sur la réduction de taille : cela a permis d'installer l'appareil
en plafond et ainsi de raccourcir la distance optique de l'œil à la
lentille. On obtenait enfin le débattement 1/1 de l'horizon. ESSAIS AIR FRANCE FIN 1969, Air France commençait une expérimentation sur caravelle, avec 30 pilotes qui ont exécuté environ 300 approches enregistrées, ce qui a conduit à une certification Cat. II obtenue le 15 Octobre 1970.
La dégradation par rapport à la
certification Cat. IIIA d'Air Inter pour un même collimateur peut
s'expliquer par des sources (gyros en particulier) différentes, et
l'utilisation d'un autre pilote automatique, sur un autre type d'avion. LA REVOLUTION DU PILOTAGE on était donc principalement arrêtes par
l'obligation, avec ou sans visibilité extérieure, de toujours utiliser
le même principes désuets de pilotage, avec des instruments
insuffisants. Il a pu ainsi démontrer que la précision pouvait atteindre le 1/5è de degré pour une sonde en flanc de fuselage, et le 1/10è de degré si on peut l'installer devant, au bout d'une perche. Quand on sait qu'aux vitesses d'approche de nos avions une variation de 1 degré équivaut environ à 5 kt, on découvre que la vitesse peut se contrôler à moins d'un nœud près ! PILOTAGE DE TRAJECTOIRE
Restait à trouver comment le pilote peut exploiter cet angle (mesuré dans le plan de symétrie) qui, comme tout autre, a deux côtés : L'un qui sert d'origine est la " référence fuselage " (dont la figuration abstraite est la maquette dans un horizon de planche et qui, dans un collimateur, équivaudrait à un réticule de tir) : c'est le mauvais côté de l'angle, que l'on s'obstine toujours à piloter, et pourtant sa direction n'a rien à voir avec celle qui est suivie. L'autre, le " bon côté ", est tout simplement la trajectoire de l'avion dans la masse d'air, c'est-à-dire la direction exactement opposée à celle de la gerbe de flocons de neige. Grâce à son filtrage, Gilbert Klopfstein a démontré que si l'on donne dans un collimateur l'image de ce vecteur vitesse, on la commande avec le manche aussi précisément que celle de l 'axe avion, mais seul le vecteur-vitesse donne une direction utile : celle où va l'avion. Il suffit alors de viser avec ce vecteur vitesse par exemple le seuil de piste pour y atterrir, théoriquement sans vent... D'où : POLEMIQUE Naturellement les éternels opposants ont
déclenché une polémique, en prétendant qu'il fallait un vecteur vitesse
sol, ce qu'on ne savait pas faire à l'époque (depuis on sait), et non
pas air, ce qui leur permettait de tout bloquer. Ces opposants n'avaient pas compris, ou feignaient de ne pas comprendre, que la méthode consiste à " piloter la pente " en s'aidant du vecteur vitesse, et non à maintenir ce dernier sur le point visé : peu importe qu'il y ait ou non une légère dérive verticale à corriger (voir figure). Ils en restaient toujours à leur idée fixe de pilotes à QI si faible qu'il leur faut une sorte de " directeur de pente ". ANGLE D'ATTAQUE La vitesse étant avantageusement remplacée par
l'incidence ( ou angle d'attaque selon la référence), encore faut il
être capable de maintenir un angle caractéristique, de même que l'on
doit tenir une vitesse choisie. Le " mauvais côté " a tout de même un "
bon côté " (au figuré). GRADIENTS DE VENT : WINDSHEAR Il s'agit d'un phénomène lié à la composante de vent le long de la trajectoire (vent effectif ou Veff.) pendant la descente. Il est inéluctable car le vent est ralenti par frottement sur le sol. Il peut y avoir un simple glissement d'air les unes sur les autres, d'où le nom anglais que l'on peut traduire par " cisaillement de vent ". Mais il peut s'agir aussi de rotation qui fait également varier le vent effectif. Prenons l'exemple simple d'un avion débutant son
approche à la vitesse de 130 kt avec un Veff de -30 kt : sa vitesse-sol
n'est plus que de 10 kt.
mais s'il ne dispose que des instruments
classiques, il n'aura aucune indication directe de sa trajectoire et ne
sera averti que par la régression du " Badin " et ensuite par son vario
de plus en plus négatif , même s'il a maintenu son " assiette "
constante. Par contre, cet effet cumulatif ne peut pas se produire si l'on maintient directement la trajectoire soit manuellement avec un collimateur, soit avec un pilote automatique de trajectoire. De plus, dans son collimateur, le pilote verra son " fixe avion " passer au dessus du vecteur vitesse, ce qui lui signale un angle d'attaque en augmentation et son réflexe sera d'augmenter la puissance. Ces gradients son souvent meurtriers et tout moyen simple permettant d'en limiter les effets mérite d'être encouragé.
CONDUITE MOTEUR C'est encore Gilbert Klopfstein qui a posé et résolu le problème, qui est le suivant : Donner au pilote la représentation CONTINUE de son bilan d'énergie afin qu'il puisse l'adapter immédiatement et de façon intuitive au sens et à la valeur de l'accélération résultante, quelles que soient les variations de pente ou d'incidence. Sa solution consiste à revenir aux sources, et puisqu'on savait piloter la pente en la représentant dans un collimateur, le bilan d'énergie devait également y figurer sous forme d'une pente. Il a donc transformé l'énergie totale en une " pente totale " disponible à tout moment, ou ajustable par les manettes de gaz. On sait que l 'énergie potentielle est le produit du poids mg par la hauteur H dont on peut descendre, soit : Ep = mgH et que l'énergie cinétique est Ec = ½ mV². L'énergie totale est la somme des deux : Et = Ep + Ec Et = mgH + ½ mV² En divisant par le poids (terme constant mg), il reste : Et / mg = H + V²/2g si nous parlons " hauteur ", comme pour le premier terme à droite de l'égalité, on peut dire pour celui à gauche " hauteur totale " et considérer, en différentiant, dans un petit intervalle de temps dt, une variation de hauteur totale dHt, de hauteur dH, et de vitesse. DHt /dt = dH / dt + VdV /gdt On peut dire que la vitesse verticale totale VZt est la somme de la variation de hauteur (vario) et du dernier terme où dV/dt est la valeur A de l'accélération sur la trajectoire. Ce dernier terme est donc le produit de la vitesse par le rapport de l'accélération sur la trajectoire à celle de la pesanteur (V x A/g). VZt = Vz + V x A/g VZt est la variation de hauteur totale. Pour obtenir des pentes, on divise les 3 termes par la vitesse, et il reste : VZt / V = VZ / V + A / g Le premier est la " pente totale ", qui est la
somme d'une pente issue de l'énergie potentielle (rapport vario/vitesse),
et de la pente issue de l'énergie cinétique. REPERE DE ROUTE Bien sûr, en pilotage à vue sans collimateur, l'encadrement du pare-brise est souvent le seul moyen d'avoir une vague idée de l'axe de l'avion (les repères capot d'antan ont disparu). Un collimateur peut donner cet axe avec précision, mais de même que dans le plan vertical il vaut mieux piloter le vecteur vitesse et non l'assiette, on peut piloter la route et non plus le cap, grâce à un repère décalé de la dérive, ce que des centrales à inertie ou des GPS peuvent donner directement. LES NOUVEAUX COLLIMATEURS Ce sont ceux qui utilisent ce pilotage nouveau, et non plus le pilotage traditionnel par des instruments de principe périmé, fussent-ils représentés dans un collimateur, comme c'est le cas de certains appareils bien plus récents dont on parlera plus loin. LE CV91 En attendant de pouvoir figurer la piste, un premier appareil simplifié, le CV91 a été construit dans un but de démontrer les possibilités du " nouveau pilotage " (en tangage seulement). Il a été monté pour essais sur un DC8 de l'UTA et sur un B747 d'Air France, mais pour ce dernier en tous cas, et à ma connaissance aucune instruction n'a été dispensée pour son utilisation, même à un groupe restreint de pilotes et aucun programme d'expérimentation n'a été réalisé. Les premiers essais sérieux de pilotage au vecteur vitesse ont été réalisés au CEV sur Mirage IIIB par une trentaine de pilotes ayant réalisé plus de 400 atterrissages, dont 30 de nuit, de façon répétitive, avec des écarts de vitesse (enregistrée, mais non représentée dans le collimateur) inférieurs à quelques nœuds, une dispersion de Vz à l'impact dérisoire, et une dispersion de toucher des roues de l'ordre de 100 mètres. Grâce à l'ingénieur général Jean Forestier, un
CV91 a été monté sur le Nord 262 n°55, l'avion de Sup'Aéro mis en œuvre
par le CEV, et c'est lui aussi qui a chargé Gilbert Klopfstein du
pilotage de l'avion, des cours et de l'expérimentation.
LE TC 121 A volé pour la première fois en 1971, mais était
encore un appareil expérimental, équipé d'un tube cathodique à haute
brillance au lieu de réticules animés par des servomécanismes. Cela
explique pourquoi, bien qu'installé sur le N262 au cours de la tournée
aux USA il ne pouvait être présenté, du moins officiellement. Il y avait
cependant, en cabine, un écran montrant aux invités ce que l'on voyait
dans ce collimateur. ...et les invités ont vu, eux, et bien mieux
compris que les français l'intérêt de ce qu'on leur a montré. L'IFALPA avait publié une série de besoins opérationnels à remplir par l'instrumentation. le TC121 les satisfaisait tous, à l'exception de l'indication de hauteur et du passage à la " hauteur de décision ". LE TC125 Il est une évolution du TC121 vers une version
commerciale, mais devait encore être considéré comme prototype, malgré
de grosses améliorations technologiques, et seuls quelques exemplaires
ont été construits. Un mode décollage s'ajoute aux modes croisière et
approche du TC121 et comporte des informations de vitesse-sol et
longueur de piste restante pendant l'accélération, et de guidage pour
rester sur l'axe après la rotation. Mais l'appareil restait cohérent et simple. Malheureusement, l'administration qui avait réglementé pour une instrumentation classique en créant une hauteur de décision, et imposé la notion de fenêtres ILS (fenêtres hors desquelles le pilote est en infraction s'il continue à descendre), a voulu ajouter le dessin de ces fenêtres dans le collimateur, plus des symboles classiques ou différents de ceux qui avaient longtemps été étudiés et essayés et bien sûr, le sacro-saint directeur de vol : retour à l'arbre de Noël..... POURQUOI FAIRE SIMPLE QUAND ON PEUT FAIRE COMPLIQUE ? RESULTATS Si nous revenons au TC121 ou à son amélioration
le TC125, on a une grande quantité de rapports et résultats d'essais en
vol, la plupart sur le N262 n°55, mais aussi sur réacteurs, par des
pilotes d'essais, des pilotes de ligne, et même du sénateur Barry M.
Goldwater, au cours de sa visite à Brétigny le 11 juin 1979, du
Committee on Science and Technology, US house of representatives. Il est remarquable que presque aucun des pilotes ayant participé aux essais ne connaissaient l'avion, et que la plupart découvraient le pilotage au collimateur. Néanmoins tous ont reconnu une grande rapidité d'adaptation et la facilité de tenue de pente. De très nombreux atterrissages ont été terminés sous capote, ou quand c'était possible par brouillard, comme ce fut le cas pour Patrick Baudry, avec une VIBAL de 50 m. Ces résultats indiscutables ont convaincu ceux
qui avaient vraiment besoin d'un tel appareil : les militaires et les
marins aux USA, puis en France, mais les civils n'ont toujours pas
compris quels avantages il pourrait leur apporter, tant sur le plan de
la sécurité des vols que de la rentabilité .
Mais Gilbert Klopfstein a été contraint à la retraite, ce qui ne l'empêche pas de poursuivre ses recherches sur la sécurité aérienne, principalement sur ses maigres ressources, mais il a encore des années d'avance en matière de navigation de surface par exemple. C'est plutôt navrant qu'en France, après les brillants résultats reconnus aussi bien à l'étranger que par les rapports officiels des pilotes d'essais français, on ait voulu " réinventer la roue " en revenant à un " conventional display ", donnant des informations de type classique dans un collimateur. Plus que la complication de cet appareil (tout technicien sait combien il est difficile de parvenir à la simplicité), c'est la conception du pilotage qui est contestable, car basée sur des ordres soi-disant simples à exécuter, le pilote n'ayant plus à comprendre, mais à obéir. A l'opposé, notre conception consiste à donner dans le collimateur toutes les informations essentielles, et seulement celles-là, sous la forme la plus proche du vol à vue, et donc la plus instinctive, laissant l'esprit libre pour toute décision. Supposons que l'on figure, à l'infini, un badin. Un index défile devant une échelle (ou une échelle devant un index ... ) et l'index se trouve par exemple devant le chiffre 130. L'avion vole à 130 nœuds. Le cerveau demande à l'œil la position relative de cet index et des chiffres de l'échelle et en déduit une action à entreprendre. Mais si l'index apparaît dans le paysage au sommet de la tour de contrôle cela ne voudra dire en aucune façon que cette tour mesure 130 pieds. Dans la lecture des positions relatives des deux symboles on n'a que faire de la tour de contrôle : on la regarde et on ne la voit pas. Le cerveau n'est pas " demandeur " du monde extérieur et cet anémomètre a empêché le pilote faisant du vol aux instruments de voir dehors. Mais quand un pilote de chasse fait coïncider le point d'impact de ses projectiles avec la position future de sa cible en amenant un symbole convenablement calculé de son collimateur sur la position présente de l'avion hostile, ce symbole n'empêche nullement de voir cet hostile car son cerveau s'intéresse à la fois aux deux objets. Dans le premier cas nous avions affaire à un " head up display " mais pas à un collimateur de pilotage. En résumé on ne peut pas mettre n'importe quoi dans un collimateur : même par visibilité nulle les symboles doivent inciter le cerveau à chercher le monde extérieur, donc en donner une représentation imagée simple. Les H.U.D. qui ne respectaient pas ce principe ont été des échecs qui marquent encore la polémique actuelle. C'est ce qu'avait bien compris le sénateur Barry
M. Goldwater, après sa visite à Brétigny où il avait piloté (en place
gauche s'il vous plaît) le Nord 262 équipé du collimateur TC125. Autrement dit de maîtriser la situation, ce qui n'est pas le cas de la conception directeur de vol qui prétend " maintenir le pilote dans la boucle " et réduire sa charge de travail, mais fait exactement le contraire pour avoir le prétexte à imposer les pilotes automatiques hyper sophistiqués, et parvenir enfin à " l'automatisme complet en service courant ". Le directeur de vol maintient le pilote dans la boucle d'exécution, et non plus dans la boucle de décision. Pilotes d'aujourd'hui, y êtes vous résignés ?
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