OU EN EST-ON AUJOURD'HUI DU HUD ?
par Jean RIBIERE, Commandant de Bord
Les professionnels ne sauraient ignorer que le H.U.,D. (Head Up Display) ,est ce qu'on appelle le pilotage " tête haute ". Et tout le monde a sans doute lu les nombreux articles publiés à cet égard par notre camarade René Lami, notamment ceux écrits dans la Revue A.P.N.A. Il est donc superflu de vanter les mérites du système, et l'avantage de piloter le " bon côté de l'angle d'incidence " n'est plus à démontrer.
Un point pourtant demande à être précisé, on n'insistera jamais assez sur le fait que le but recherché en approche est de se placer sur la bonne pente et d'y rester au moyen du repère de pente sélecté par le pilote. Le vecteur vitesse air n'intervenant que pour la pilotabilité de cette pente.
On peut alors se demander pourquoi, en face de tels avantages, la décision d'équiper nos avions n'intervient pas. A cela plusieurs raisons :
1) Des raisons psychologiques d’abord. En effet, l'utilisation du collimateur électronique TH-CSF bouscule des habitudes. C'est une nouvelle philosophie et l'homme accepte plus volontiers une évolution qu'une révolution. De plus, cet équipement en face de la tête du pilote est trouvée souvent gênant.
2) Des raisons économiques. Prenons par exemple le cas de l'Airbus, les utilisateurs éventuels de ce type de machine hésitent à investir pour ce genre d'équipements alors que l'avion est déjà certifié CAT III. Il faut donc présenter le H.U.D. comme étant l'élément d'un système qui comprend également le P.A.
3) Des raisons techniques. L'implantation d'un ensemble collimateur électronique n'est pas chose facile sur les avions existants à moins que son implantation se fasse au stade du développement par l'avionneur ou si la technologie naissante apporte une solution à ces problèmes d'optique.
4) Des raisons financières. Les efforts d'investissement nécessaires ne peuvent être raisonnablement supportés par l'industriel chargé du développement que dans la mesure ou elle est sûre de trouver un débouché.
5) Des raisons d'ordre administratif. Comme il n'existait pas jusqu'à présent de véritables prototypes, le C.E.V. ne s'est guère penché sur le système et il n'existe, à ma connaissance que deux rapports, l'un se rapportant au CV 91, l'autre au TC 121, mais ces rapports sont insuffisants et ne présentent pas de mesures statistiques significatives.
Aujourd'hui, on peut dire que les efforts poursuivis conjointement par l'Administration, la TH-CSF et les pilotes vont peut-être porter leurs fruits car à tous ces obstacles énumérés on peut aujourd’hui apporter une réponse.
D'autre part, la sécurité et la régularité qui sont les fondements de l'aviation civile sont deux éléments qui jouent en faveur du HUD. La FA.A. elle-même, sous la double pression de l’l.F.A.L.P.A. et du N.T.S.B. a décidé de faire une étude sur l'utilisation du H.U.D., c'est un pas.
Douglas est intéressée, puisqu'elle a demandé l'évaluation d'un CV 91 sur son DC-10 expérimental, Boeing est plus réticent, mais cela tient au fait que la firme vend facilement ses avions, reste à convaincre l’Aérospatial, je crois qu'il reste beaucoup à faire dans ce domaine et c'est aux utilisateurs de proclamer leur besoins. Il est juste de reconnaître à TH-CSF le mérite d'avoir continué à financer en grande partie le développement d'un équipement qui n'avait, jusqu'à présent, aucun marché.Un rapide historique montre l'effort poursuivi.
1965. Début des études d'un collimateur civil à la demande du S.T.A.C. Réalisation du collimateur électronique à réticules asservis : le 193, 15 protos réalisés sont, certains, vendus à l'étranger.
- Evaluation au C.E.V. du 5-7-1967 au 16-11-1968 sur CaraveIle, 810 approches effectuées.
- Evaluation Air France sur Caravelle puis sur Boeing 707 (B L.C.A.) de novembre 1969 à juin 1971.
Version 193 M en service à Air Inter sur Mercure (certifié CAT III A avec un P.A. simple chaîne) depuis novembre 1974.- Réalisation de collimateurs simplifiés comme aide à l'atterrissage en V.M.C. Type CV 100, de même technologie que le 193 évalué au C.E.V. sur Nord 262 en février et mars 1972, et en ligne sur un DC-8 U.T-A. de mars 1971 à septembre 1972. Ce prototype n'a pas eu de suite industrielle. Réalisation d'un nouvel équipement moins encombrant avec une nouvelle technologie (galvanomètres asservis et diodes luminescentes). Nombreux protos en essais depuis 1972. Nord 262 : présentation aux Compagnies aériennes et aux constructeurs.
B 747 à Air France (V.E.) DC-8 U.T.A. F. BOOC Mystère 20 (C.E.V. Istres), Transal, Bréguet 941, Simer, Concorde, DC-10 Douglas (fin 1975 début 1976). Evaluation C.E.V. sur Nord 260 de février à octobre 1973, 310 approches. Modification de la pupille portée de 90 à 120 mm pour augmenter le confort visuel. Réalisation d'un équipement destiné à être intégré dans un système tous temps. Maquette avionnable (TC 121) sur Nord 262 depuis 1971 et présentation aux Compagnies, à la F.A.A., à l'U.S.A.F., au M.I.T. et à l'université Cornell, au cours d'un vol effectué du 28-8-1972 au 22-9-1972. Depuis, le TC 121 a été présenté à diverses associations de pilotes de ligne et certaines compagnies.
Un proto (TC 125) en cours de réalisation devrait être prochainement installé (1977) sur une Caravelle du C.E.V. de Brétigny.
C'est donc la preuve que l'effort de développement d'un H.U.D. a été mené avec les moyens dont nous disposons et si un bilan doit être fait c'est pour mieux guider l'action qui doit enfin permettre le succès de notre H.U.D.
Commandant Jean RIBIERE.