Rapport de M. LAMI sur les vols effectués le 25 mai sur le N. 262 équipé
du collimateur à tube cathodique

 

Temps à thermiques assez turbulents, vent variable faible.

Deux sortes d’approches ont été faites :

  1. Avec utilisation du vecteur vitesse et du repère d’énergie totale par observation de la piste.
  2. Avec l’utilisation de l’image de piste artificielle en conjugaison avec les repères ci-dessus.

 

Installation

La hauteur de plafond du cockpit du N. 262 permet une installation facile au plafond sans réduction de visibilité.

Il m’a semblé qu’un décalage de la tête de 4 ou 5 cm vers la gauche (par rapport à l’axe du siège) est nécessaire pour être dans l’axe optique, mais ceci ne constitue pas une gêne.

Le système d’effacement de la glace est simple et de maniement très aisé, mais un système d’escamotage genre 193 restera sans doute nécessaire pour une version en plafond.

Les supports d’articulation de la glace sont particulièrement agressifs et devront aussi être modifiés pour une installation ultérieure.

Luminosité

Le ciel et les nuages étaient particulièrement lumineux l’après-midi du 25 mai à Toulouse, mais je n’ai observé aucune insuffisance de luminosité des repères (j’avais, il est vrai, le réglage à pleine luminosité).

Qualité des images

Très fines, contours nets, pas de scintillement, sauf parfois des traces analogues à des retours de balayage de " pips ". ceci est peut-être dû à des parasites et ne constitue pas une gêne. Il est probable que cela n’apparaît qu’avec le potentiomètre réglé à l’intensité maxi.

Couleur

Apporterait sans doute plus de confort, du moins au début de l’utilisation, pour mieux différencier les catégories d’information.

Il s’agit seulement de savoir si un peu d’expérience de l’utilisation du système ne permet pas d’éviter de payer la différence de prix.

Horizon

Il y a dans l’appareil beaucoup de traits horizontaux (et de même couleur) et il faut un certain effort pour ne pas les confondre.

Je pense que " horizon " pourrait figurer sous forme d’une échelle verticale, les traits interrompus de repère de pente suffisant à définir l’horizontale.

Une échelle d’assiette me paraît commode pour y placer, en IFR, le vecteur-vitesse à la pente-air choisie en montée ou en descente.

Je ne pense pas personnellement que le seul repère ajustable, même avec un sélecteur commodément accessible, serait utilisable aussi facilement que l’échelle d’assiette.

On pourrait ainsi supprimer le grand trait horizontal que constitue la barre d’horizon, car la notion d’inclinaison s’apprécie aussi bien par rapport à la verticale. Il restera d’ailleurs assez de repères horizontaux avec le vecteur-vitesse asservi en roulis, ainsi que les traits interrompus de repère d’assiette. ceci n’empêche pas de garder l’index de cap à l’horizontale du zéro (comme celui qui figure à l’origine de la ligne en phase d’interception du LOC, avant apparition de la piste artificielle proprement dite.

Maquette

Personnellement, au lieu du T inversé, je préférerais une maquette de forme plus habituelle et d’envergure un peu plus grande, mais ajustable en site (pour venir à la place du triangle par exemple). Il n’est en effet plus nécessaire de lire la valeur de l’assiette quand on a un vecteur-vitesse, mais il me semble plus " parlant ", pour tenir l’incidence, de voir la position de la maquette par rapport à ce vecteur-vitesse pour juger d’un coup d’œil si on est " lent " (nez haut) ou " rapide " (nez bas).

Vecteur-vitesse

J’avais déjà eu l’occasion d’en apprécier le principe, avec vous-même, sur Nord 262. La largeur du repère est une excellente chose, car cela permet d’étaler une certaine dérive ou simplement les petits mouvements de lacet en turbulence. Bien que, théoriquement, il s’agisse d’un plan air par rapport à l’avion, il semble indispensable de conserver l’asservissement en roulis pour garder une certaine fixité de la visée sur les repères au sol.

Le " pilotage " de ce repère vers un point ne pose pas plus de problème que le pilotage direct de la maquette, tant il est stable et bien amorti.

Energie totale

Extraordinaire !

Je pense que très rapidement ceux qui l’auront essayé ne pourront plus s’en passer, et peut-être réclameront-ils un symbole moins discret.

Je dois dire pour ma part n’avoir pas été gêné par la taille du symbole dont la forme lève toute ambiguïté avec n’importe quel autre repère.

On en arrive à " oublier " le contrôle de l’incidence (ou du badin) tant il est facile de contrôler la puissance aux manettes et ceci quelles que soient les variations de la pente.

Dans le cas du N. 262, la discontinuité de puissance aux bas régimes ne risque pas de passer inaperçue !

L’ajustage de la puissance avec les sorties ou rentrées de traînée devient enfantin.

Réciproquement, en cas de panne de moteur ou lorsqu’on ne peut faire varier la puissance, lajustage de la pente optimum sur le repère est immédiat.

La combinaison énergie totale et vecteur-vitesse apporte enfin une solution simple, complète et élégante au pilotage des avions modernes.

Piste artificielle

Je n’ai pas signalé plus haut car c’est bien connu, la précision nettement insuffisante des signaux qui alimentent l’horizon, ce qui rend le contrôle de la valeur de la pente assez illusoire. En particulier la précession est très gênante.

Le défaut du gyro de verticale se répercute avec encore plus d’évidence sur l’image de la piste. Et il en est de même de l’asservissement en cap, qui suit par à-coup et qui est difficile à régler.

Par ailleurs, le signal d’altitude n’étant pas exact, la piste artificielle se trouvait dilatée.

Il est cependant remarquable, malgré ces défauts connus et importants, de noter :

  1. La facilité avec laquelle on peut s’aligner sur la piste
  2. Que si l’on ne tient pas compte de la piste réelle et que l’on vise la piste artificielle, même apparemment décalée, le sens des corrections finit par amener sur la vraie piste, les erreurs allant en diminuant au fur et à mesure que l’on descend.

Une fois effacé le seuil de piste, l’image des bords permet le roulage. Je pense toutefois que , comme pour une piste réelle, la ligne axiale serait commode.

C’est pourquoi je pense que lorsque l’on aura le second moyen de guidage (ILM), ce dernier pourrait donner l’image des bords de piste, et l’axe serait fourni par l’ILS.

Entre la phase interception (axe seul) puis la phase approche (vue de la piste), il n’y aurait qu’à " raccourcir " le trait pour le limiter à la valeur de pente exacte (D glide).

S’il n’est pas difficile de faire aussi le seuil de piste par l’ILS, mieux vaut le garder, mais s’il y a aussi l’ILM, ce dernier pourrait suffire pour donner l’image de seuil (l’information de sa largeur est agréable mais n’est pas vraiment indispensable).

 

Conclusion

La combinaison des repères horizon-vecteur-vitesse-énergie totale permet sous une forme extrêmement concise de donner toutes les information essentielles de pilotage. Il est souhaitable de ne pas surcharger une représentation tête haute par d’autres symboles de pilotage, les quelques informations complémentaires pouvant rester sur la planche de bord classique.

Sur le N. 262 , le " relevage " du repère en traits interrompus à une pente préréglée m’a semblé intervenir un peu tôt (conduisant à arrondir un peut haut). Peut-être pourrait-on prévoir un déplacement relativement lent entre la pente de descente et la pente préréglée pour l’atterrissage, mais ce n’est pas indispensable.

La lecture à haute voix de la radio-sonde par un membre de l’équipage apporte la confirmation nécessaire et évite d’avoir à placer un repère supplémentaire dans le collimateur.

Le problème de précession de l’horizon, ainsi que celui de la précision requise pour l’assiette et le cap seront facilement réglés sur un avion équipé de centrales à inertie, lesquelles ont des performances presque surabondantes.

Il semble que sur les autres machines il soit nécessaire de réduire la vitesse d’érection et de couper celle-ci à un seuil d’accélération inférieur à celui rencontré par exemple en réduction des gaz.

En ce qui concerne le cap, j’ai l’impression que les difficultés rencontrées sont dues à une mauvaise qualité de la répétition plutôt qu’à un éventuel défaut du gyro-compas.

J’espère que les essais AIR France sur le BLCA, lorsque l’horizon sera asservi à une centrale inertielle, permettront une conclusion plus nette sur la mesure de la pente visuelle.

Il reste à comparer la fiabilité et la longévité du tube et de son générateur de symboles avec celles d’un appareil à servo-mécanismes.

Il est probable cependant que seul le tube cathodique permettra à la fois de donner les symboles de pilotage et de guidage par image de piste sans atteindre à un volume exagéré de la tête collimatrice.

Je voudrais terminer sur une petite suggestion.

Les avions civils n’ont, en général pas de limitation automatique sur les paramètres des réacteurs : ainsi il est possible de dépasser un EPR ou une EGT maxi si on ne les surveille pas. On pourrait alors envisager un clignotement (ou un changement de couleur) du repère d’énergie totale lorsqu’on approche d’un limitation sur un paramètre de l’un des réacteurs.

En conclusion, je pense que vous êtes sur la bonne voie pour nous donner un instrument qui fournisse au pilote un ensemble cohérent d’informations sur les paramètres essentiels du vol, et qui sera utilisable avec les mêmes techniques de pilotage avec ou sans visibilité.

Le doublage de l’image piste par l’ILM permettra alors la solution satisfaisante et définitive à l’atterrissage sans visibilité.

René LAMI

27 mai 1971