IDEES ET MATERIEL FRANÇAIS EN TOURNEE AUX USA
VERS UNE REVOLUTION DU PILOTAGE ?

par RENÉ LAMI Commandant de Bord à la Compagnie Air France

 

Les lecteurs d'Icare se souviennent peut-être d'un article paru il y a deux ans déjà, et intitulé " la cueillette des olives... et l'atterrissage tous temps " (n°51, été 1971).

L'auteur y exposait des idées qui ont pu sembler délibérément à contre-courant de la politique officielle mondiale en matière d'atterrissage tous temps.

Pourtant ces idées commencent à être partagées par un nombre croissant de pilotes et de techniciens qui, confrontés aux mêmes problèmes, arrivent logiquement à des conclusions voisines. C'est le cas du " All weather flying committee " de l'ALPA (qui groupe la quasi-totalité des pilotes de ligne des Etats-Unis) comme celui de la Commission technique du Syndicat National des Pilotes de Ligne en France.

Au cours de sa dernière réunion à Londres, le Comité AWOP de l'IFALPA (qui regroupe presque toutes les associations de pilotes de ligne du monde) vient de décider de recommander à l'Assemblée plénière annuelle l'utilisation de collimateurs, en spécifiant qu'ils devront indiquer le vecteur-vitesse et l'énergie totale.

Mais les pilotes de ligne ne sont plus seuls : dans les services officiels, chez les constructeurs, dans les compagnies aériennes, nous voyons un nombre de plus en plus grand d'ingénieurs, aérodynamiciens, pilotes d'essais qui partagent ces nouvelles idées.

C'est en France que l'avance semble la plus grande, grâce au " know-how " et à l'expérience déjà longue de Thomson-CSF en matière de collimateurs et à sa collaboration avec la Section " Etudes Générales " du Service technique de l'Aéronautique.

Au fur et à mesure que les idées se précisaient et que la technique évoluait, des nouveaux matériels étaient construits.

Avec l'aide du CEV (Centre d'Essais en Vol), leur expérimentation a mis en évidence le bien-fondé des principes, mais aussi les exigences en matière de performances des gyroscopes ainsi que les difficultés d'installation dans des postes de pilotage qui n'ont jamais été prévus, à l'origine, pour les recevoir.

Malgré ces difficultés, et après essais satisfaisants sur une Caravelle, un collimateur dérivé du type 193 de CSF était- à ma connaissance le premier au monde à être autorisé d'emploi pour la Cat. Il de l'OACI (hauteur de décision 100 pieds, visibilité 400 mètres).

Le cercle vicieux

En dépit de ce succès, une commande de vingt collimateurs (pour équiper vingt Caravelle) fut bien passée par téléphone... mais ne fut jamais confirmée. Le constructeur en fut pour ses frais de lancement de fabrication, et mieux vaut ne pas épiloguer sur les raisons de cet abandon, certaines étant fort éloignées de toute considération technique.

On s'est ainsi privé de la précieuse expérience qu'aurait apportée l'utilisation quotidienne en ligne, par un grand nombre de pilotes, d'un appareil loin d'être parfait, certes, mais qui présentait déjà une avance considérable sur l'instrumentation classique.

Il était alors évident que des progrès allaient bientôt suivre, car au Service technique l'Aéronautique l'ingénieur en chef Klopfstein venait de commencer la mise au point du pilotage par le " Vecteur-Vitesse " Mais c'était comme à l'époque des Constellation et des DC 4. On avait refusé d'acheter les Super-Constellation ou DC 6 sous prétexte que le réacteur existait déjà et qu'il fallait attendre l'arrivée des Boeing 707 et des DC 8 : ils ne seraient sans doute jamais venus. En effet, la vente des générations successives d'un avion conditionne les crédits sans lesquels la génération suivante ne peut naître.

A une échelle bien plus modeste, et malgré la nouveauté, les collimateurs n'échappent pas cette règle. Ils n'échappent pas non plus à ce qui veut que, pour avoir ses chances à l'exportation, un matériel doit être d'abord en service dans son pays d'origine.

Ajoutons que le regroupement des compagnies aériennes (ATLAS, KSSU, etc.) mène à une nécessaire uniformité des matériels et méthodes.

Si nous voulons convaincre nos partenaire d'adopter les idées nouvelles en matière pilotage au collimateur, la première condition est de pouvoir leur présenter un instrument "certifié" bien au point et utilisé en ligne à la satisfaction des pilotes.

La nouvelle génération de collimateurs civils

Cette nuit j'ai fait un rêve. J'avais pour marraine une fée très bonne et très puissante, et jour où j'étais en vol, venant de passer STP VOR (Saint Tropez), en route vers Orly où un coquin brouillard nous attendait, elle se matérialisa tout à coup, là, contre mon accoudoir. " Je vois bien comme tu te languis de collimateur " (c'était une fée provençale qui ne rougissait pas de sa pointe " d'assent "). " Oh ! oui, marraine. "

Pas sitôt dit que, d'un coup de sa baguette l'auvent, toc ! elle m'offrit un superbe collimateur... éteint.

Devant ma mine un peu déconfite, elle me dit " Pécaire ! attends un peu, je vais t'y mettre une information, mais rien qu'une. Laquelle veux tu? "Sans hésiter, je répondis : " Bonne Fée, marraine, je voudrais tant un horizon 1/1. " Bonne mais intelligente (ça va parfois de pair) elle avait compris : Toc ! sur la glace. Et pouvais m'amuser à tirer et pousser sur le manche : mon " horizon 1/1 " était bien immobile sur le beau paysage de Provence que l'on survolait encore.Sur le -1° de son échelle je voyais le sommet du Lubéron, en face du -4° je reconnaissais Barjols.... et puis je pensais combien je serais plus tranquille tout à l'heure, quand je commencerais à voir un bout de piste dans le brouillard... Fou de joie, je fis de telles démonstrations de reconnaissances à ma bonne fée de marraine qu'elle me dit en riant : " Tant comme tu es fada ! Tiens, je t'en donne encore une, d'information. Laquelle? " Elle savait bien ce que je voulais, les fées savent tout; mais les souhaits c'est comme ça, il faut les dire à haute voix. Alors je lui dis " Une image de piste artificielle. " Re-toc sur la glace, et je n'eus pas besoin de lui demander pour être sûr que cette image serait faite à la fois d'ILS et d'ILM.

Là, je dois avouer que je débouclais ma ceinture et sautais au cou de ma bonne marraine (si bonne qu'elle ne me voit pas tout à fait comme je suis : l'amour aveugle bien aussi un peu les fées) " Va, tu es un brave petit. Je te permets encore un souhait. "Et je lui demandai le vecteur-vitesse air. Re-coup de baguette. Re-embrassades... Avec un clin d’œil, faisant mine de me quitter (au fur et à mesure que les images apparaissaient dans le collimateur, la sienne s'estompait), elle me dit : " Je pense que maintenant tu ne veux plus rien ? " Je toussotais alors..." C'est-à-dire, ... enfin ... Quoi donc encore? Ma bonne marraine, je sais que j'abuse, mais seulement un tout petit repère .... rien qu'un petit point ... pour la pente potentielle, enfin l'énergie totale... Tu veux dire la pente totale? " (Elle parle parfois comme l'ingénieur pilote Klopfstein; elle est très calée ma marraine ... ) Un dernier toc, et elle disparut.

D'ailleurs on quittait la Provence, son domaine. Et peut-être voulait-elle demander à sa collègue " du Nord " de nous placer vite les petits réflecteurs ILM pour baliser la 07 à notre arrivée.

La réalité

Ce rêve est presque devenu réalité avec la nouvelle génération de collimateurs. C'est mieux qu'une réalité de laboratoire puisque depuis avril 1971 un collimateur qui comporte " presque " tout ce que j'avais demandé en rêve vole sur l'avion Nord 262 du CEV qui, grâce à l'ingénieur général Forestier, sert à la fois aux Etudes générales du STAÉ et aux travaux pratiques en vol pour l’école nationale supérieure de l'Aéronautique.L'avion comporte également, en place droite, un petit collimateur très simple, d'encombrement réduit, mais utilisable seulement pour l'approche à vue.

Ces deux appareils sont basés sur l'emploi de la nouvelle technique de pilotage direct du vecteur-vitesse, avec conduite de l'énergie disponible par le repère d'énergie totale (se reporter à l'article déjà cité dans le n°51 de la revue " Icare ").Ils ont pu être installés grâce aux efforts persévérants de l'ingénieur en chef Klopfstein, commandant de bord de l'avion (qui manie le fer à souder avec la même maestria que le manche à balai), et avec le support technique de leur constructeur (Thomson-CSF).

Le chemin suivi

L'urgence de nos besoins apparaît dans l'ordre des souhaits exprimés à la fée, ma marraine :

d'abord l'horizon 1/1 qui permet, lorsqu'on ne voit qu'un tronçon de ligne centrale, de donner l'écart latéral tout en contrôlant le roulis et l'assiette de l'avion et qui en outre, par visibilité normale, équivaut à un VASI embarqué.

Le viseur 193 comportait déjà un tel horizon et il pouvait aussi satisfaire au 3° et au 4° souhait en le débarrassant des informations de type " classique ", séquelles d'anciennes conceptions erronées. En effet, la nature des informations classiques les rend incompatibles avec le monde extérieur, et mieux valait les maintenir sur la planche de bord.

Au contraire, la trajectoire, l'incidence (sous forme de hauteur de la maquette par rapport à cette trajectoire), l'énergie totale (traduite en pente) sont des réalités physiques qui sont, celles-là, liées au monde extérieur. De plus, leur représentation n'exige que deux repères mobiles et un fixe ou maquette. (Cette dernière existant de toute façon dans un horizon pour marquer la référence-avion.)

On pouvait donc dériver du 193 un excellent collimateur (et c'est probablement ce qui sera fait pour le Mercure), mais la technologie utilisée, malgré ses avantages (en particulier : images en couleurs d'excellente "définition" et très lumineuses), ne permet pas de réaliser simplement une représentation de piste artificielle et, d'autre part, ne permet plus d'accroître le champ de vision sans augmenter aussi l'encombrement. La non-confirmation de la commande des vingt collimateurs 193 conduisit finalement à sauter les étapes et à passer à la technologie du tube cathodique. Ainsi se trouvaient levées les difficultés pour représenter une piste déformable. D'autre part, l'extrême simplicité des nouvelles informations de pilotage permettait de se passer de la couleur en choisissant une symbologie appropriée pour lever toute ambiguïté.

Grâce aux progrès technologiques sur les tubes (brillance, fiabilité) et aux nouvelles méthodes de génération et de contrôle de la position des images, le collimateur TC 121 a pu être construit, et il est le premier qui comporte vraiment presque tout ce que ma marraine m'avait donné en rêve (il n'y manque plus que le doublage ILM de la piste et quelques détails sur lesquels nous reviendrons).

Phase transitoire

Le TC 121 reste cependant relativement encombrant, Or, ainsi qu'on l'a fait observer plus haut, les postes de pilotage n'ont pas été dessinés pour recevoir de tels instruments. D'autre part, on ne peut bousculer du jour au lendemain les traditions et des habitudes de pilotage vieilles de près d'un demi-siècle ! Ajoutons que l'installation " en plafond " d'un collimateur de l'encombrement du TC 121 ou du 193 est actuellement la seule solution, car on ne peut toucher à la sacro-sainte planche de bord avec laquelle l'avion est " certifié ".

Cependant, si l'on acceptait de se cantonner au domaine du VFR (qui représente la grande majorité des vols) et en particulier aux approches avec vue directe de la piste réelle, alors il devenait possible de construire un appareil d'encombrement assez faible pour tenir pratiquement dans l'épaisseur d'un auvent. Cela conduisit au collimateur très simplifié de type CV 91, où l'on ne voit que quatre petits repères (utilisés en guise de trait de séparation entre certains chapitres) et qui sont de droite à gauche :

1° une flèche asservie en tangage à l'échelle 1/1 et qui est réglable à différentes valeurs de pente; c'est donc une partie de ce fameux horizon 1/1, sans le roulis (que l'encombrement de l'appareil interdisait);2° un alignement de trois points, qui représente le vecteur-vitesse ou trajectoire-air de l'avion ; 3° un symbole en forme de T inversé, fixe par rapport à l'avion et qui correspond à la " maquette " traditionnelle. Mais c'est maintenant le vecteur-vitesse que l'on pilote directement par action sur la profondeur, et la maquette ne sert plus qu'à indiquer l'incidence :

4° un point dont la position par rapport au vecteur-vitesse indique l'accélération traduite en pente : s'il est plus haut, on accélère; aligné, vitesse constante ; plus bas, l'avion ralentit. La position de ce point par rapport à l'horizon montre la pente que l'on peut suivre en fonction du bilan d'énergie actuel. Si l'on pousse sur les manettes de gaz, il monte et inversement si l'on réduit, ce qui est évident, car en augmentant la poussée on peut monter davantage.

Malgré un champ assez réduit et l'impossibilité d'asservir ces repères en roulis, un instrument aussi simple rend d'énormes services (ainsi qu'on le verra plus loin d'après les appréciations élogieuses de pilotes auxquels il a été présenté aux U.S.A.).

avez-vous été tenté d'utiliser au maximum la précision du vecteur-vitesse ?

36 OUI, 3 NON

même question pour la variation d'énergie totale ?

35 OUI, 3 NON

à performance égale, pensez-vous que l'utilisation du collimateur augmente la charge de travail par rapport au pilotage à vue ?5 OUI, 33 NONVoilà qui est intéressant : tout en reconnaissant une certaine difficulté d'adaptation, la majorité des pilotes pense que la méthode est intuitive et qu'elle n'accroît pas la charge de travail. En ce qui concerne l'intérêt opérationnel, la majorité des pilotes pense qu'il faut un ou deux vols d'entraînement avec ce collimateur. Dans ce chapitre, nous choisirons seulement deux questions :

- l'utilisation du collimateur vous paraît permettre des atterrissages

· plus répétitifs 32 OUI, 1 NON

· plus précis 32 OUI, 2 NON

- l'utilisation du collimateur vous parait augmenter la sécurité dans la phase finale.

34 OUI, 0 NON

Cette dernière appréciation est réellement fondamentale; à l'unanimité, des pilotes reconnaissent une amélioration de la sécurité.

Commentaires

Certains pilotes n'ayant pu résister au désir d'ajouter quelques commentaires sur le questionnaire, je ne résisterai pas à celui d'en reproduire quelques-uns (sans les traduire, de peur d'en trahir l'authenticité).

John J. Ryan, FAA/N.A.F.E.C. (flight test pilot : 13 000 heures de vol) :

" Many sites with difficult terrain i.e. elevated approach end, approach over water, night V.F.R. approaches are potentially dangerous. HUD such as this, would be a great enhancement in safety at these sites specially at sites without VASI "

Alvin T. Bazer (test pilot FAA : 8 000 heures de vol) :

" I have about 12 years experience flying angle of attack on U.S. Naval Aircraft and am a firm advocate of its expanded use. Adding velocity vector and energy management to angle of attack in this HUD resulted in a very impressive and effective system, There is no doubt that a reliable system of this type would be extremely effective in increasing safety aspects in both landing and take off phases of flight. I like it ! "Charles L. Collins (senior test pilot M.I.T. 12 000 heures de vol) : " I believe it has the ultimate potential of a new concept for take off, climb, cruise and approach both V.F.R. + I.F.R. " (Note: il avait pu suivre une approche de M. Klopfstein au TC 121, par le circuit de télévision.)G. Garcia (technical pilot Eastern Airlines 10 000 heures de vol) :

" There are very good parameters. I believe HUD should be kept simply and not clutter display with unnecessary information. "H.W. Kelly (pilot Lockheed A.C. : 16 000 heures de vol) :" Simple to use and very effective. Very good. Liked it very well. "D.C. Knutson (senior engineering test pilot Boeing : 10000 heures de vol) : " Had no difficulty in controlling the N 262 using HUD system. Found setting proper power very easy. "Colonel Dan Eliason (project pilot. Wright Patterson U.S.A.F.) :" Outstanding system ! "

Un collimateur CV 91 sur Boeing 747

Le très faible encombrement du CV 91 permet son installation dans l'épaisseur de l'auvent d'un 747, sans restriction de visibilité ni au-dessus (la glace est d'ailleurs escamotable) ni au-dessous : la planche de bord classique reste entièrement visible.

Cette particularité a autorisé une expérimentation en ligne qui a débuté sur le Boeing 747 d'Air France F-BPVE, au début du mois de janvier 1973.

Le hasard a voulu que l'auteur effectue sur Paris-Fort-De-France le premier vol en ligne après l'autorisation officielle d'utilisation et qu'une circonstance imprévue permette de connaître exactement la précision atteinte au 1er atterrissage.

En effet, une plaque de revêtement de la piste du Lamentin (aéroport de Fort-De-France) ayant été détériorée, nous savions longtemps avant notre arrivée que des travaux en cours limitaient la longueur utilisable.

Mais, une fois en liaison avec la tour, nous avons appris que les travaux étaient terminés et que la piste était de nouveau normalement praticable sur toute sa longueur.

Utilisant le CV 91, j'ai donc visé les marques de peinture blanche marquant l'intersection du plan de descente avec la piste.

Après l'atterrissage, arrivés au parking avec notre VHF encore en marche, nous avons entendu une voix interpeller la tour à peu près en ces termes : " On se demande pourquoi on fait des pistes aussi longues ! Non seulement " il " se pose en plein dessus, mais encore il nous fait une démonstration et s'arrête à la première bretelle. "

C'était l'ingénieur des Travaux publics qui, sans doute inquiet pour sa réparation toute fraîche (qui a d'ailleurs très bien tenu), s'était placé à côté de la piste avec une voiture-radio.

J'ignorais encore où les travaux avaient été effectués, mais, en remontant la piste pour décoller, j'ai remarqué le réparation : elle se situait à environ 10 mètres après les marques blanches.

J'admets que pour tirer une conclusion valable il faudrait un grand nombre de mesures et qu'il pouvait donc y avoir une part de chance. En effet, il faut savoir que la trajectoire des roues est parallèle à celle des yeux qui aboutit au point visé. Pour que les roues y arrivent, il faut donc que l'arrondi amène la trajectoire des roues sur ce point. Il y a donc nécessairement une certaine dispersion selon la précision du début de cet arrondi et sa cadence.

Il n'empêche que 10 mètres de précision pour un avion de 70 mètres de long où le pilote est " perché au 2è étage ", c'est assez surprenant pour un premier essai.

LES ESSAIS DE L'UTA

La compagnie française UTA a commencé depuis déjà un certain temps une campagne d'essais de collimateurs pour le compte du groupement KSSU.

Ces essais ont lieu sur DC 8-62, Cet avion présente malheureusement des difficultés d'installation encore plus grandes que sur Boeing où le pilote est un peu plus éloigné du pare-brise. Selon mes renseignements, deux sortes de collimateurs y sont actuellement en essais :

Les essais UTA sont actuellement en cours et les conclusions ne sont évidemment pas encore connues.

LES CONDITIONS DE L'EXPÉRIMENTATION

Pour l'instant, à l'UTA, un DC 8 serait équipé de deux Sundstrand et un autre avion comporte un seul CV 91 assez mal installé paraît-il, car posé sur l'auvent (et non encastré comme sur le B 747).

Il ne s'agit pas ici de faire un " banc d'essais " et de se livrer à des comparaisons : il faut laisser ce soin aux responsables des expérimentations. Observons seulement que l'ambition du Sundstrand se limitant à l'utilisation en V.A.S.I. embarqué, son intérêt expérimental est restreint en ce sens que les méthodes de pilotage traditionnelles sont inchangées. Ceci sera sans doute considéré par certains comme un avantage opérationnel.

D'autres pensent au contraire qu'il serait temps de remanier les méthodes de pilotage, et à ce titre le CV 91 devrait permettre de vérifier le bien-fondé de la méthode de pilotage vecteur-vitesse/incidence avec contrôle de l'énergie totale.

De plus, son extrême simplicité lui confère un indéniable intérêt pédagogique pour se familiariser avec des méthodes de pilotage intuitives, certes, mais cependant révolutionnaires pour la majorité des pilotes.

LA TOURNÉE DU NORD 262 DE SUP'AÉRO AUX ÉTATS-UNIS

Le 25 avril 1972, le Nord 262 de Sup'Aéro quittait Brétigny pour Washington (via Kinloss, Keflavik, Sondreström, Frobisher, Goose-Bay, Loring), avec aux commandes l'ingénieur en chef Klopfstein et à son bord des représentants du STAÉ et du CEV.De Washington, sa tournée aux U.S.A. devait le conduire à Atlantic-City, Andrews, Wright Patterson, Shermann, Ellsworth, Malmstrom, Seattle, Kingsley, Palmdale, Long Beach, El Paso, Ellington, La Nouvelle-Orléans, Miami, Atlanta, Westchester, Hanscom Field et Buffalo.

Ce périple a permis d'effectuer des présentations à la FAA, au N.A.F.E.C. (*), à l'U.S.A.F., à Boeing à Lockeed, à Douglas, aux Eastern Airlines, au M.I.T. (**), au département Recherches en vol du Corneil Aéronautical Laboratory et à un représentant de l'ALPA

En plus de ses équipements de série et de lots de rechange nécessaires pour un vol aussi loin de sa base, l'avion était équipé des deux collimateurs TC 121 et CV 91 respectivement en places gauche et droite, d'une centrale de navigation à inertie, d'une centrale de cap et de verticale M.G.C. 10 de la S.A.G.E.M., de deux sondes d'incidence, de deux capteurs d'énergie totale, l'un construit par la S.F.E.N.A., l'autre par l'Electronique Marcel Dassault, d'un indicateur de pente et énergie totale sur tableau de bord, d'un déport vidéo de l'image du TC 121 à l'usage des observateurs en cabine, d'un magnétoscope permettant de restituer les approches effectuées de divers enregistreurs et du matériel radio particulier pour ce voyage (... et bien sûr d'un réservoir supplémentaire de fuselage avec pompe de transfert, car le Nord 262 n'est pas un avion transatlantique !).

L'avion était donc passablement chargé, et Air France a contribué à sa mission en acheminant quelques rechanges.

Contrairement aux prédictions des inévitables pessimistes, la mission s'est déroulée avec une régularité d'horloge et toutes les démonstrations ont pu être assurées conformément aux rendez-vous programmés.

L'avion s'est bravement comporté, ainsi que tous ses équipements. Il faut dire qu'il était en bonnes mains avec un équipage du CEV et l'assistance technique de M. Boulch de Thomson-CSF et Delbasse de la SAGEM Le retour, via Québec, par la même route qu'à l'aller, s'est également effectué sans incident et l'avion est rentré à Brétigny le 29 septembre.

But de la mission

L'objectif n'était pas de vendre du matériel, mais des idées.

En effet, il s'agissait, pour la plupart des personnes rencontrées, de notions véritablement révolutionnaires. Pas pour toutes cependant, puisque les pilotes de la FAA (MM. Nolthmeir et Nelson) étaient venus en France et avaient déjà pratiqué l'atterrissage sans visibilité à Brétigny en utilisant le TC 121 (ils avaient exprimé un avis extrêmement favorable).

Sachant que ces notions nouvelles ont mis des années à se frayer un chemin dans certains milieux français, on ne pouvait espérer changer l'optique de toute l'aéronautique américaine avec quelques vols précédés d'une conférence, fussent-ils offerts aux pilotes et techniciens les plus compétents du pays. Ce fut donc surtout une prise de contact, mais fructueuse, car il n'y eut pas, comme on pouvait le craindre, d'opposition systématique. Au contraire même, les réponses reçues reflètent en général une grande expérience et une ouverture d'esprit remarquable. Les seuls regrets ne viennent pas des interlocuteurs, mais hélas de chez nous. Le représentant du SGAC, qui avait été, croyons-nous, à l'origine de la mission et aurait dû en être le " meneur de jeu " vis-à-vis de la FAA, n'a pu au dernier moment y participer. Mais surtout le matériel le plus intéressant, à savoir le collimateur TC 121, n'a pas été présenté officiellement, et c'est bien dommage de ne pas avoir saisi une occasion aussi exceptionnelle pour montrer un appareil qui n'a pas son équivalent dans le monde.

Il semble que les pilotes rencontrés avaient assez de jugeote pour comprendre que l'installation était provisoire et qu'ils auraient passé sur l'aspect " agressif " des supports ou autres inconvénients mineurs. Il faut dire aussi que M. Klopfstein a cependant exécuté quelque atterrissages complets sous capote, qui ont pu être suivis par les observateurs en cabine grâce au circuit de télévision en circuit fermé. C'est donc finalement au seul CV 91 que revint la charge de démontrer le principe du pilotage au vecteur-vitesse et à l'énergie totale.Consolons-nous à l'idée qu'en dépit de l'absence de l'information de roulis et du champ de vision restreint l'extrême simplicité de cet appareil sans doute permis une assimilation plus facile des nouvelles méthodes.

Le questionnaire

Tous les participants aux vols pouvaient, après mûre réflexion, envoyer leur rapport. Il est possible que tous ne nous soient pas encore parvenus. Mais aussitôt après le vol une " première impression " était demandée sous forme d'un questionnaire simplifié. Il n'est évidemment pas possible de reproduire ici toutes les réponses, nous choisirons seulement un certain nombre de questions caractéristiques et indiquerons le nombre de OUI ou NON recueillis.Aucun pilote ne connaissait bien le Nord 262, deux seulement l'avaient piloté occasionnellement.Sur 39 pilotes, 14 étaient familiarisés avec des avions du même genre (bi-turboprop). 18 pilote avaient déjà eu l'occasion de piloter avec HUD (cette proportion assez importante s'explique par le fait qu'il s'agissait pour la plupart de pilotes appartenant à des services de recherche ou de pilotes militaires). La plupart des pilotes (32 contre 7) ont estimé qu'une explication en vol complétant le briefing était utile, et 30 contre se sont déclarés surpris (avant le vol) par la philosophie de pilotage présentée. La majorité aussi était satisfaite de l'installation (CV 91 seulement), de l'intelligibilité des symboles et de leur luminosité.Le champ de visibilité était plus discuté : 19 ont répondu qu'il était suffisant et 18 l'on trouvé insuffisant. En ce qui concerne le pilotage, choisissons quelques questions :

LA TRANSITION

Le phénomène de transition se trouve don éliminé ! Il n'était pas seulement, comme on l'a cru longtemps, une affaire de temps d’accommodation de l’œil, mais plutôt de changement de processus mental.

Avec un appareil du genre TC 121 il n'y a plus de transition... simplement parce qu'au moment où la piste réelle apparaît elle prend tout naturellement le relais de la piste artificielle et que l'on continue d'utiliser avec elle les mêmes informations de pilotage, avec la même technique, qu’elle que soit la visibilité : c'est donc enfin, au plein sens du terme, du " tous temps ".

ATTERRISSAGE AUTOMATIQUE ET TRANSITION

Certains lecteurs vont peut-être trouver curieux de parler de transition en cas d'atterrissage automatique, puisque le robot est aveugle.

C'est que personne au monde n'en est encore au stade où (comme le disait plaisamment mon ami le Captain Louis Zeyfert, ancien président de l'All Weather Committee de l'IFALPA) " le pilote pressera le bouton et ira prendre un verre avec les passagers ".

En effet, tous les systèmes automatiques au monde exigent une confirmation visuelle à la " hauteur de décision ".

Ceci est dû au fait que le système de guidage, l'ILS, est unique et souffre de certains défauts qu'il serait trop long d'exposer ici.

Ajoutons que son futur remplaçant, le M.L.S. (dérivé du Flarescan que les États-Unis ont réussi à imposer à l'O.A.C.I.), ne sera pas tellement mieux loti à son égard et que l’on ne voit pas encore comment l’on pourra sérieusement s ‘affranchir de cette hauteur de décision.

Tant qu'elle subsistera, et qu'elle qu'en soit la valeur, il faudra bien que le pilote passe de ses instruments à la vue extérieure (et revienne aux instruments en cas de décision de remise des gaz).Le problème ici consiste à savoir ce qu'il faut avoir vu, et ceci continue à alimenter d'innombrables discussions. Résumons en disant que dans l'esprit des règlements OACI, lorsque la décision d'atterrir était prise, cette manœuvre devait pouvoir être terminée avec les seuls repères visuels.

En jouant sur les mots, on a dévié de cette conception pour s'approcher de celle qui se contente d'une simple vérification de l'existence du béton sous les roues (la lampe rouge d'alarme commandant la remise des gaz restant éteinte). Il est alors difficile de cerner ce qu'il reste de la responsabilité du pilote.

Le cas le plus général est celui où le pilote qui regardait dehors reprend les commandes à la "hauteur de décision ", l'approche ayant été faite soit par l'autre pilote, soit par un pilote automatique non autorisé d'emploi jusqu'au sol (cas du B 727, par exemple, qui doit être débrayé au plus tard à 80 pieds).

La visibilité extérieure étant réduite, le contrôle de l'avion en roulis est délicat et n'est possible que s'il existe une ligne médiane équipée de barrettes ou lignes transversales permettant de lever l'ambiguïté entre roulis et écart latéral. Quant au contrôle de l'assiette, déjà peu précis par les seules références visuelles lorsque la visibilité est normale, il devient quasi impossible. Il faut alors adopter des procédures très précises qui supposent une excellente coordination de l’équipage pour réussir cette manœuvre délicate, sans risque de toucher de l'aile ou du réacteur extrême, ou de faire un atterrissage dur ou trop cabré !On ne doit pas trop compter sur le maintien " balistique " d'une trajectoire stabilisée jusqu'à la hauteur de décision. En effet, même en l'absence de perturbations par légers changements du vent qui imposeraient des petites corrections, le pilote qui reprend les commandes risque de modifier lui-même involontairement sa trajectoire.

Une petite expérience permet de le vérifier quand on débraye un pilote automatique en croisière, il est bien rare que l'on parvienne à garder exactement la trajectoire stabilisée que pourtant l'on retrouve après quelque 10 ou 20 secondes de pilotage manuel.

Il y a là encore une sorte de transition, et qui n'est pas seulement due au fait que l'avion est rarement exactement "en trim" quand on reprend les commandes.

Bien entendu, l'effet est d'autant plus marqué que les références visuelles sont imprécises (cas du brouillard comme celui du vol en croisière où l'horizon est généralement assez flou). C'est pour cela que la seule étude statistique des écarts à la hauteur de décision (fenêtres) ne résout qu'une partie de la question : le véritable problème commence seulement à ce moment-là, et il se posera chaque fois que l'avion ne pourra pas utiliser un pilote automatique capable de terminer seul l'atterrissage (et alors la responsabilité du pilote se ramène à vérifier : " béton dessous, pas de lampe rouge d'alarme allumée ").

Malheureusement, tant à Air France qu'à l'UTA, l'expérimentation est trop limitée.

Pour se familiariser avec la nouvelle technique de pilotage, l'expérience semble montrer qu'il faudrait un minimum de deux ou trois atterrissages (les réponses au questionnaire de la mission aux U.S.A. le confirment).

Il est à noter que la nouvelle méthode peut s'apprendre sur n'importe quel avion. C'est heureusement ce qui s'est passé pour l'auteur et pour un certain nombre de ses camarades, tant d'Air France que de l'UTA, qui ont eu l'occasion de voler avec M. Klopfstein sur son N 262.

Pour que le pilote instructeur puisse vérifier le travail de l'autre pilote, il faut qu'il dispose des mêmes informations, donc d'un autre collimateur qui ne soit pas nécessairement du même type, mais qui comporte le vecteur-vitesse et la pente totale.

A Air France, l'expérimentation est menée sur un B 747 qui ne comporte qu'un CV 91 en place gauche, mais dispose cependant d'un indicateur de planche de bord, dit vario à énergie totale ou VET., donnant la pente et l'accélération. Un instructeur peut à la rigueur s'en servir, mais il ne peut vérifier le travail de visée en cours d'approche.

Un film magnétoscope réalisé par l'ingénieur pilote Klopfstein permet d'assimiler au sol les principes de la méthode.

Il semble que peu de pilotes aient pu le voir et en soient réduits aux explications théoriques d'une note technique. Quel que soit le soin apporté à la rédaction d'une telle note, il est à craindre que cela ne suffise pas, surtout si elle a été lue quelques mois avant un vol occasionnel.

Il n'y aura en effet pour chaque pilote que des vols occasionnels. Les avions équipés font surtout du long-courrier, et les chances pour un pilote de pouvoir utiliser le collimateur sont plutôt minces.

A moins d'une chance exceptionnelle, aucun pilote ne pourra acquérir une expérience pratique.

GENERALISATION ?

Il serait souhaitable qu'un groupe limité de pilotes puisse acquérir cette expérience pour se prononcer en connaissance de cause.

Le 747 a présenté moins de difficultés d'installation que le DC 8; il semble mieux adapté à cette expérimentation (il dispose surtout d'une verticale INS).

Si les huit avions dont dispose Air France étaient équipés, tous les pilotes volant sur ce type d'avion pourraient acquérir cette expérience pratique. L'un de ces avions, au moins, devrait être équipé de deux collimateurs, aux fins d'instruction.

Ce que l'on sait déjà permet de penser que cela ne serait pas argent perdu, car les services que peut rendre un tel instrument sont sans commune mesure avec son prix.

En effet, le 747 est progressivement mis en service sur un nombre de plus en plus grand d'aéroports, dont certains ne garantissent pas toujours le fonctionnement ou même l'existence d'aides convenables à l'atterrissage (ILS complets ou VASI). Ne risquons pas l'incident diplomatique en les citant, mais les pilotes les connaissent bien.

Malgré sa restriction d'emploi au VFR (pas de roulis), un simple CV 91 se justifie amplement par les possibilités offertes, à savoir

Ainsi ferait-on une véritable expérimentation où un groupe de pilotes, restreint peut-être, mais suffisant, permettrait de tirer des conclusions valables.

LE COLLIMATEUR EXPÉRIMENTAL TC 121

Cet instrument préfigure ce que devraient être les futurs collimateurs.Dès le début de son expérimentation il a permis des atterrissages complets sans visibilité, malgré des sources gyroscopiques de qualité médiocre (atterrissage sous capote dès le 4è vol).

En moins d'un an il avait réalisé plus de 250 heures de vol sans panne sérieuse, avait permis plus de 150 atterrissages sous capote, et son équipage avait acquis une telle confiance qu'il avait réalisé 18 atterrissages dans le brouillard réel (conditions de Cat. III).

C'est vraiment exceptionnel pour un appareil qui en est pratiquement au stade du laboratoire. Ajoutons qu'un tiers des atterrissages complets sous capote avait été réalisé par des pilotes de ligne après une heure de briefing et environ trois quarts d'heure d'accoutumance à la nouvelle technique de pilotage l

Si l'on compare cela à l'expérience et à l'entraînement nécessaires au vol aux instruments pour atteindre seulement aux performances de l'approche aux minima standard, on voit que la facilité d'adaptation à ce matériel est étonnante.

ERGONOMIE

Ceux qui se préoccupent d'ergonomie sont moins étonnés. Bien avant l'article d'Icare déjà cité (La cueillette des Olives…), j'avais insisté sur l'importance de donner l'information de pilotage sous forme de déplacements angulaire identiques à ceux du monde extérieur.

L'ingénieur en chef Klopfstein l'a dit aussi, et nous ne sommes sans doute pas les seuls. En particulier, le Dr Lavernhe du service médical d'Air France (et accessoirement pilote de tourisme) a fait une étude à l'issue d'un vol sur l'avion équipé du collimateur.

Il y explique scientifiquement la corrélation existant entre les sensations d'équilibre de l'oreille interne et les réflexes oculomoteurs qui provoquent le nystagmus (phénomène qui ne fait pas appel au cortex cérébral), et il prouve ensuite que le pilotage devient instinctif lorsqu'il y a corrélation entre les sensations de l'oreille interne et les déplacements angulaires apparents du monde extérieur.Cette corrélation existe pour les déplacements angulaires apparents des réticules du TC 121 (et, au roulis près, du CV 91 aussi) et c'est ce qui explique la très grande facilité d'adaptation des pilotes à cet instrument.

Ceci ne peut évidemment pas être le cas d'une planche de bord où toutes les informations exigent un cycle lecture, interprétation, action, contrôle, ni même des collimateurs qui reproduisent plus ou moins complètement une planche de bord vue à travers le pare-brise, car les déplacements angulaires n'ont aucun rapport avec ceux du monde extérieur.

Les informations " classiques " de pilotage, même regroupées sur un ADI (ou EADI), doivent être lues successivement : quand le cerveau est impliqué, il ne peut faire plusieurs choses simultanément.

Ceci explique pourquoi les " HUD " qui ne donnent que des informations traditionnelles pourtant collimatées à l'infini n'ont pas éliminé le problème de la transition. L’œil a beau être " accommodé à l'infini ", il ne voit pas les choses sur lesquelles son attention n'est pas fixée : le pilote derrière cette sorte de collimateur voyait apparaître la piste après celui qui regardait directement.

Or ce n'était pas affaire d'atténuation de lumière à travers la glace ou de gêne causée par la lumière des réticules.

En effet, on constate que par mauvaise visibilité réelle le pilote utilisant le TC 121 a toujours été le premier membre de l'équipage à voir la piste ! (ainsi que l'indique un rapport du CEV).

Un collimateur du genre TU 121 apporte une aide importante à ce problème, car le pilote reprend les commandes avec des références de pilotage précises et qui sont toujours identiques en VFR comme en IFR.

De plus, s'il contrôle l'atterrissage exécuté par le pilote automatique, il peut alors véritablement vérifier son assiette et son écart latéral, ainsi même que son arrondi.

DÉVELOPPEMENTS PRÉVISIBLES DU TC-121

LES CRITIQUES

Bien entendu, de nombreuses critiques ont été adressées à l'encontre du TC 121 dans sa forme expérimentale actuelle.

Les unes concernent son installation : montants " agressifs ", glace non escamotable au sens d'inclinaison désagréable, mais rendu nécessaire par la disposition en plafond de l'appareil (inévitable tant qu'il sera interdit de modifier la sacro-sainte planche de bord).

D'autres concernent les symboles et leur couleur. L'expérience prouve cependant une très rapide adaptation de tous les pilotes à la symbologie adoptée. Ceci ne signifie pas qu'on ne puisse en étudier une meilleure et qui serait encore mieux accueillie (nous verrons d'ailleurs que les considérations de fiabilité risquent d'imposer certains changements). Mais cela prouve que l'on peut assez facilement se passer de la couleur, malgré l'agrément qu'elle apporterait sans doute. Un tube " couleur " coûte en effet beaucoup plus cher sans apporter autant de brillance : cela vaut bien la peine d'un petit effort d’accoutumance. D'autres encore concernent son champ de vision. C'est assez curieux, car il est supérieur à ± 12° (près de 25° de champ total, triple de celui CV 91).

Bien entendu, on aimerait qu'il soit encore plus grand, mais je ne pense pas qu'il existe au monde un collimateur de champ supérieur.Ajoutons qu'une dérive dépassant 12° est plutôt rare en conditions de mauvaise visibilité et que si cette dernière est suffisante il n'y a pas d'inconvénient majeur à voir la piste réelle " déborder " de la glace du collimateur.Une remarque ici est nécessaire : ce n'est que récemment (avril ou mai 1972) que l'information de verticale et de cap provient d'une centrale à inertie. Il est donc probable qu'une partie des critiques précédentes provenaient d'un mauvais positionnement de l'image artificiel de piste du à des gyros médiocres.

Sur ce point, l'expérience est indiscutable de très bons gyros (et des répétitions très précises) sont nécessaires. On peut évidemment échapper à la qualité inertielle (puisque l’atterrissage sous capote a été possible dès le début), mais il faut tout de même de nombreuses précautions, et le résultat sera toujours d'autant meilleur que les références gyros le seront et qu'elles seront moins soumises aux précessions. Enfin la dernière catégorie de critiques concerne la fiabilité : " Comment prétendre contrôler un super-pilote automatique doté de toutes les protections et redondances avec un TC 121 ou prétendre que l'atterrissage manuel avec collimateur est définitivement plus sûr ? " Pour répondre, il faut aller plus loin que la simple observation selon laquelle les instruments classiques permettent encore moins ce contrôle non seulement parce qu'il n'est pas prouvé que leur fiabilité soit meilleure, mais parce qu'ils n'ont ni la précision ni le temps de réponse nécessaires. Est-on prêt à accepter que ces mêmes instruments soient le seul recours cas où un système d'autosurveillance complexe aurait ordonné la manœuvre de dernière chan que constitue la remise des gaz ?Si l'on rétorque qu'une panne de ces instruments survenant justement en même temps que ce du pilote automatique est " hautement improbable ", alors ce raisonnement vaut tout autant pour le TC 121 (ou équivalent) !

DES SOLUTIONS

Il est exact que, dans sa forme actuelle, le TC 121 n'est pas " définitivement plus sûr " qu'un super pilote automatique doté de toutes les redondances et sécurités nécessaires. Observons seulement :que certaines protections indispensables pour ce pilote automatique ne le sont pas pour un pilote humain;

que les instruments de bord classiques, avec lesquels on est actuellement censé contrôler l'opération, n'ont pas non plus une fiabilité supérieure bien que leurs protections soient principe plus simples : alarmes en cas de panne d'alimentation,alarmes en cas de panne d'une source, alarmes en cas de panne d'asservissement,alarmes si une comparaison avec un instrument similaire montre un écart dépassant certain seuil (les deux dernières n'existent pas sur tous les instruments).S'il s'agit de descendre à des minima très bas que ce soit en automatique ou manuel, la philosophie de ces alarmes devrait être reconsidéré : on ne peut plus se contenter d'un " flag " et chercher le secours d'une information sur un autre cadran souvent mal placé.A fortiori, pour un futur TC 121 capable de permettre à son pilote de se poser sans aucune visibilité, une telle philosophie n'est plus acceptable.Mais la simplicité intrinsèque du système permet de proposer des solutions.En effet, observons que trois informations seulement sont " vitales " :

a) la référence de verticale,

b) la référence d'incidence,

c) l'information de guidage.a) Pour la verticale, on ne peut échapper à la nécessité d'une information triplée, de façon à permettre un " vote majoritaire ".

Pour cela on a suggéré une méthode simple où les images sont construites par parties intercalées, chacune asservie à une source de verticale.

Ceci suppose des symboles un peu différents de ceux qui figurent actuellement sur le TC 121, mais qui ne devraient pas surcharger l'image. Il faut évidemment expérimenter la méthode avant de pouvoir l'exposer en détail ici, mais selon l'avis de techniciens compétents l'idée semble valable.

b) La référence d'incidence sera obtenue à partir de deux sondes dont chacune fournit la position d'une moitié du symbole actuel du vecteur-vitesse. On montre qu'une méthode simple et sans ambiguïté permet de lever le doute immédiatement et de continuer à utiliser l'information correcte.

c) Le guidage est fourni actuellement par l'image de piste artificielle, mais générée à partir des seuls signaux ILS Il n'y a donc pour le moment aucun avantage par rapport aux systèmes automatiques.

Tout au plus peut-on dire que le pilote doit être capable de juger si un écart est accidentel (déviation de faisceau quand un autre avion survole les antennes, par exemple) et que cela devrait permettre de se passer des protections d'écart excessif ou, ce qui serait préférable, de vitesse d'écart excédant les possibilités de déplacement de l'avion en fonction de ses variations d'attitude. Ceci serait inutilement compliqué, car les cas de déviation lente, qui sont les plus insidieux, ne seraient pas couverts.

Il semble que la seule voie raisonnable consiste en un doublage effectif du moyen de guidage. Alors l'image de piste pourrait être construite en deux parties : nous suggérons dans ce but que l'axe de piste et son seuil soient fournis par l'ILS et les bords de la piste par le second moyen de guidage (ILM, par exemple).

Ainsi le pilote peut vérifier la concordance des deux images tout au long de son approche et la tolérance d'écart qu'il peut admettre est évidente, car la piste artificielle " grossit " au fur et à mesure qu'on approche. Tout se passe comme en vol à vue où l'on " resserre " la précision de guidage en courte finale.

Si près du sol un désaccord hors tolérance survient sans qu'on ait pu lever le doute de façon sûre, alors il faut remettre les gaz.

On notera que le pilotage par le vecteur-vitesse et à l'aide de la pente totale rend cette manœuvre plus facile et plus sûre que par une simple rotation à une valeur d'assiette présélectée (qu'elle soit faite directement à l'horizon artificiel ou avec l'intermédiaire... abusif d'un directeur de vol).

Dans le cas où une seule information de guidage est disponible, on se trouve ramené au cas de l'atterrissage avec hauteur de décision, avec pourtant l'énorme avantage de voir à ce moment la piste réelle se superposer à la piste artificielle sans que rien ne soit changé aux autres références ni aux méthodes de pilotage.

L'ILM (ou Independant Landing Monitor)

A l'origine, ce système répondait à une demande américaine pour un moyen de donner au pilote une alarme en cas de désaccord entre le système de guidage principal, l'ILS, et un moyen de guidage secondaire, mais de performances compatibles.

La solution retenue par Thomson-CSF est un système utilisant le radar météo du bord transformé en multifonctions. D'où le nom de W.I.M. pour " Weather Independant Landing Monitor ". Les essais se sont déroulés en simulation d'abord, puis sur un Nord 2500 et ont montré que d'autres fonctions pouvaient encore être remplies par le système, d'où l'autre nom de RSAM pour " Radar de Surveillance Aéroporté Multifonctions " que lui a donné la Direction de la navigation aérienne qui a financé jusqu'ici les marchés d'étude.

L'installation au sol ne comporte que trois petites balises dont l'emplacement par rapport à la piste est connu, mais dont l'orientation n'est pas critique. Ces balises ne sont pas tout à fait passives, car elles réémettent le signal reçu sur une fréquence décalée de façon à éliminer les échos parasites.

L'électronique de ces balises est très simple et bon marché et on n'a pas encore observé de pannes sur cet équipement.

La partie essentielle du système étant à bord, le contrôle de son fonctionnement doit être plus immédiat pour le pilote.

Les fonctions envisagées sont actuellement

Ce sont ces deux dernières fonctions, et surtout la dernière, qui nous intéressent ici.

Un calculateur de bord restitue les quatre coins de la piste à partir des mesures de distance, site et gisement des balises. Ceci permet donc de construire l'image des bords de la piste, complétant celle de l'axe et du seuil donnée par l'ILS De plus, on peut en déduire les écarts de l'avion à l'axe et les mettre en forme équivalente à ceux de l'ILS soit aux fins de comparaison (but initial), soit pour asservir un pilote automatique ou un directeur de vol.Les essais se poursuivent de façon satisfaisante et semblent montrer une précision équivalente à celle d'un bon ILS, en particulier en fin d'approche.

APPLICATIONS POSSIBLES DES COLLIMATEURS

Toutes les possibilités d'un futur TC 121 n'ont pas été explorées et ce n'est qu'en utilisation pratique que l'on découvrira ce qu'il peut réellement donner.

Contentons-nous de citer un certain nombre de problèmes qui se posent quotidiennement au pilote et qu'il permet de résoudre très simplement :

Ceci est indépendant de la cause : poussée insuffisante, frein qui serre, pneus crevés ou éclatés, état de la piste (slush, etc.).

De même à l'atterrissage sur piste glissante, on peut immédiatement constater l'efficacité du freinage et remettre éventuellement les gaz quand la vitesse le permet encore sans danger.

Il est certain que si un tel appareil était utilisé de façon quotidienne d'autres applications pourraient sans doute lui être trouvées.

LA CONSPIRATION DU SILENCE

Il est curieux de constater que la presse qui nous abreuve d'une abondante littérature sur l'atterrissage automatique n'ait pas encore pris conscience de la révolution qu'apporterait ce genre d'instrument. Sans doute est-il très " spectaculaire " de voir un avion se poser tout seul. Mais n'est-il pas intéressant de voir un pilote sous capote, donc sans aucune visibilité extérieure, capable de faire facilement la même chose en utilisant un collimateur?

Sans doute ce genre d'instrument est-il loin d'avoir bénéficié des mêmes crédits et par conséquent de mise au point. Beaucoup de travail reste à faire, mais toutes les solutions techniques existent.

Le seul problème délicat est celui de son installation qui suppose une refonte de la disposition des postes de pilotage.

Ceci ne pourra évidemment se faire tant que la supériorité du système sur les planches de bord classiques ne sera pas admise par une majorité d'utilisateurs.

Malheureusement tout se passe comme si l'on craignait que cette démonstration soit faite, les crédits sont coupés au moment où l'on touche au but et nul ne prend le risque de mécontenter ceux qui ont tout misé sur l'automatisme en exposant les excellents résultats d'un système plus simple et surtout plus universel.

CONCLUSION

On a souvent opposé, à tort, l'atterrissage automatique et le collimateur.

Le premier se justifie dans la mesure où les moyens instrumentaux mis à la disposition du pilote ne lui permettent pas d'effectuer l'atterrissage sans visibilité avec la précision et la sûreté nécessaires.

Mais cela a conduit à un appareil complexe et coûteux, tant à l'achat que pour son entretien, à cause des multiples redondances et sécurités nécessaires. De plus, un tel appareil ne permet toujours pas de se passer d'un contrôle visuel " de dernière chance ".

Enfin et surtout l'utilisation de cet appareil dans sa fonction atterrissage automatique reste l'exception, et c'est payer bien cher pour un service qui n'est rendu que de façon exceptionnelle.

Un collimateur évolué, du type TC 121 ou similaire, permettrait de se contenter d'un pilote automatique beaucoup plus simple puisque le pilote humain pourrait le débrayer à tout moment pour poursuivre la manœuvre.

Dans le cas général où la piste est vue, un tel collimateur continue à rendre les mêmes services et il en rend aussi dans les autres phases de vol.

Enfin, il est utilisable toujours de la même façon, quelle que soit la visibilité, ce qui garantit enfin un haut niveau d'entraînement dont on bénéficie pleinement quand les conditions météo sont mauvaises.

Ce haut niveau d'entraînement est donc acquis par une utilisation quotidienne et non par un entraînement particulier à une méthode exceptionnelle qui ne peut, malgré son coût élevé, être vraiment satisfaisant, surtout pour les pilotes affectés aux long-courriers qui pratiquent peu d'atterrissages.

Le besoin d'un instrument répondant aux idées exprimées au long de cet article se manifeste de plus en plus un peu partout dans le monde ainsi qu'on l'a vu plus haut.

Après une longue période de tâtonnements, l'expérience montre que les principes retenus sont sains.

Il serait dommage de laisser perdre le fruit de l'effort de défrichage accompli en France en coupant les crédits au moment où l'on touche au but.

... Mais ce ne serait pas la première fois que des idées françaises nous seraient réexpédiées ... payables en dollars.

 

René Lami.

 

(') National Aéronautical Facilities Experimental Center. retour à la lecture

(") Massachussett's Institute of Technology. retour à la lecture