L'atterrissage

Tous les pilotes du monde savent atterrir, cela va de soi, alors pourquoi faire une page sur l'atterrissage ?
Qui ne s'est pas senti, disons inconfortable, lors d'un atterrissage par vent de travers ? Pourquoi ?
Pour quelle raison atavique l'atterrissage par vent de travers a-t-il été toujours présenté comme au pire difficile, au mieux particulier ?
Comment réaliser à tous les coups un bon atterrissage par vent de travers et en toute sécurité ?
Décraber ou pas ?

L'aéroclub d'Annemasse a la plus grosse activité de France en volume annuel d'heures de vol. Depuis plus de 20 ans, on y apprend à tous les pilotes comment atterrir sans décraber. Depuis toujours, les pilotes formés à l'EPNER (Ecole des Personnels Navigants d'Essais et de Réception) apprennent à atterrir sans décraber. J'ai même pu discuter récemment avec un pilote privé tchèque qui, ayant appris à piloter avec un ancien pilote de MiG, ne décrabait pas !

LE PRINCIPE

La trajectoire d'approche finale est rectiligne uniforme. La trajectoire sur la piste est en général rectiligne (j'élimine le cas des piste concaves ou convexes de montagne et des pistes biscornues de certains terrains de brousse).

Le but de l'atterrissage réussi est de faire coïncider ces deux trajectoires rectilignes.

Considérons ici le cas de l'atterrissage par vent de travers.

Si je décrabe avant l'arrondi,

  1. Je vais donner à mon avion une vitesse de lacet qui va faire pencher l'avion par différence de vitesse entre les deux ailes. La proximité du sol fait que ce mouvement est relativement rapide. En outre, à cet effet s'ajoute l'effet dièdre. L'aile au vent est attaquée "par en dessous" et s'élève.
  2. Je vais immanquablement subir l'effet du vent et me déporter d'un côté ou de l'autre de la piste. A l'inertie de l'avion près, ce déport peut être non négligeable par fort vent.

D'aucuns instructeurs trouvèrent en leurs temps la parade, contrer ce déport (ou est-ce le roulis induit par la vitesse de lacet ?...) par une inclinaison des ailes. L'avion vole donc en dérapé stabilisé pendant un court instant puis touche le sol. Il faut alors croiser les commandes à nouveau pour ramener les ailes horizontales et maintenir le nez de l'avion sur l'axe de piste.

En conclusion : soit je décrabe ailes horizontales et je risque de sortir de piste par l'effet du vent, soit j'incline pour ne pas sortir de piste et je risque, sur avion à réacteurs situé sous les ailes, de toucher un moteur (l'inclinaison maximale pour un DC 8 est pour info de 4°). En outre, il arrivera fatalement un moment ou le vent sera tel que l'inclinaison nécessaire sera supérieure à la limite autorisée.

L'autre solution est de ne PAS DECRABER.

Dans ce cas, je maintiens la trajectoire de mon avion sur l'axe de piste quelle que soit l'intensité du vent (étant entendu que l'on reste au dessous de la limite vent de travers). distingons deux cas :

  1. Les pneus "ripent" : la piste peut être mouillée, glissante, le toucher doux (pas de poids sur les trains pendant quelques secondes : l'avion sustente encore), dans ce cas, l'effort sur le train est négligeable. Le pilote PILOTE encore son avion et maintient aux pieds l'axe de piste, ce qui conduit à diminuer progressivement l'angle entre l'axe avion et l'axe de piste jusqu'à ce qu'à l'arrêt, l'axe avion et l'axe de piste soient confondus.
  2. Les pneus "accrochent" : dans ce cas, le pneu subit une déformation lui permettant de suivre une trajectoire dont la direction n'est pas rigoureusement alignée avec la perpendiculaire à son axe de rotation. En effet, lors d'un roulage par fort vent de travers, on constaterait, si nos avions étaient équipés d'un dispositif de visée adéquat, que l'angle entre l'axe avion et l'axe de piste n'est pas nul et que l'axe avion n'est pas confondu avec sa trajectoire. Cela signifie que même au roulage, le pneu se déforme tout en roulant correctement.

Quelles sont les objections les plus fréquemment émises par les incrédules ?

"oui, mais on risque d'effacer le train !"

Le mythe du train d'atterrissage se détachant de ses attaches lors d'un atterrissage a la vie dure dans l'imaginaire collectif. Il n'y a eu à ma connaissance aucun accident de ce type dans l'histoire de l'aviation moderne. En revanche combien de sorties de pistes par atterrissage vent de travers manqué ?...
Les exemples ne manquent pas, à commencer dans notre chère compagnie nationale.

Pour démythifier la chose, livrons-nous à un petit calcul très simple.

considérons un Airbus A320 à l'atterrissage.
Masse atterrissage : 60 tonnes = 60000 kg
Vitesse de toucher des roues : 120 kt = 60 m/s
Vz d'approche (plan de 3°) : 600 ft/mn = 3 m/s
Vz impact (considérons un angle de contact après arrondi de 1°) = 1m/s

L'énergie cinétique absorbée par le train est :           1/2mV² = 1/2 . 60000 . 1² = 30000 J

Celui-ci subit une force F telle que :

F . 0,50 = 30000 (travail fourni par une force parcourant 50 cm correspondant à la course des amortisseurs)

Soit F = 30000/0,50 = 60000 N soit 6000 kg (sur 2 trains)

C'est à dire 3 tonnes par train. à comparer aux 60 tonnes de l'avion : c'est peu.

remarque : la tonne est ici une mauvaise expression de force, mais la grandeur est plus "parlante".

D'ailleurs, les essais et mesures effectués sur avion au moyen de "strain gauges" (mesures d'efforts) montrent que l'effort sur le train est plus important lorsqu'il s'agit, après un décrabe, de revenir sur l'axe de piste après s'en être fatalement écarté que lorsqu'on a pas décrabé...

"Oui, mais c'est très inconfortable pour les passagers !"

FAUX, en physique, le passage d'une trajectoire rectiligne à une autre trajectoire rectiligne s'effectue SANS ACCELERATION ! (on travaille ici uniquement dans le plan vertical : voir cours de seconde...)
ET QUAND BIEN MEME ! depuis quand le confort pax justifie-t-il une prise de risque ? soyons sérieux...

"Oui, mais j'ai essayé et je peux te dire que lorsque tu te poses en crabe, l'avion ne revient pas sur l'axe tout seul !"

En effet, et personne n'a jamais prétendu cela, car le pilote continue à piloter son appareil, même posé, et la trajectoire se pilote avec la plus grande attention pendant la course de décélération. C'est le pilote qui maintient le nez de l'avion sur l'axe de piste UNE FOIS POSE.

Qu'en pense-t-on à Air France ?

Bons vols à tous

Merci à Paul Pashford pour les photos.

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