INSTRUMENTS A COLLIMATION


Le pilotage des avions modernes se fait à peu près exclusivement aux instruments, même par beau temps, en raison de la nécessité de lire constamment divers paramètres et à cause de l'absence ou de l'imprécision de l'horizon naturel. Même lorsque cet horizon existe et qu'il est idéal (cas d'un vol à faible altitude, par beau temps, sur la mer), la position relative de cet horizon, dans l'encadrement du pare-brise, est quelque chose d'insuffisamment précis : le nez de l'avion ne se voit généralement pas et ne peut donc définir l'axe de l'appareil, et même si l'on disposait d'un moyen de le définir, on n'aurait pas de mesure d'angle assez précis dès que cet axe s'écarte de l'horizon, et a fortiori pour les angles importants de piqué ou de cadré où l'horizon disparaît au-dessous ou au-dessus du pare-brise.
L'œil du pilote est donc presque constamment fixé sur le tableau de bord pour observer les divers instruments, avec une fréquence et une durée qui dépendent de l'importance de chaque instrument dans la phase de vol considérée, l'horizon artificiel étant le plus important, puisque son maintien dans une position déterminée permet de fixer les autres paramètres. Les instruments sont en général assez petits, et leur lecture à une distance de l'ordre de 0,70 m à 0,90 m n'est pas assez précise. Il en résulte une fatigue visuelle, une difficulté d'adaptation rapide de la vision à l'infini dans le cas du passage du vol aux instruments au vol à vue (en particulier quand cette transition a lieu au moment d'une percée aux minima d'atterrissage) et une insuffisance du temps d'observation à l'extérieur en condition VMC, d'où risque de collision.

HORIZON ARTIFICIEL

Cet instrument essentiel du vol est, dans sa disposition classique, d'une lecture insuffisamment précise, ce qui a été mis en évidence par la nécessité d'accroître sa sensibilité sur les avions fins et rapides. Mais, quoi qu'on en fasse, les déplacements de la barre d'horizon sont toujours de l'ordre du millimètre par degré, ce qui, à une distance de l'œil de 0,80 m, correspond à des écarts angulaires de l'ordre de 1/800° de radian, soit un peu plus de 4' par degré. Si même on améliore la précision de la zone centrale (souvent au détriment des autres) et qu'on atteigne 1,4 mm par degré, cela ne représente toujours, au point de vue angulaire, que 6' par degré, soit le dixième du déplacement angulaire réel. Nous allons montrer qu'il est possible d'améliorer de façon considérable cette précision tout en supprimant les inconvénients signalés plus haut.

PRINCIPE DE LA SOLUTION

Nous proposons de placer le cadran de l'instrument dans le plan focal d'une lentille et de renvoyer son image vers l'œil du pilote par une glace sans tain, placée derrière le pare-brise, de façon à fournir une image virtuelle du cadran de l'instrument, vue à l'infini à travers le pare-brise, selon le principe bien connu des collimateurs de mitrailleuse. Il est naturellement nécessaire de prévoir un éclairage sûr, et dont l'intensité doit pouvoir varier entre une valeur faible pour la nuit et une valeur très intense pour le jour ensoleillé. Il est à remarquer que la position inclinée de la glace sans tain permet de disposer facilement des écrans plus ou moins foncés, qui supprimeraient l'éblouissement et faciliteraient la lecture.

AVANTAGES

Le pilote regarde normalement à travers son pare-brise et la glace sans tain (on pourrait, dans certains cas, utiliser le pare-brise lui-même). Il règle par un potentiomètre l'intensité de l'éclairage des instruments qui s'y réfléchissent.
La lecture est plus précise puisque l'on bénéficie du grossissement de la lentille. L'image virtuelle des instruments se formant à l'infini, l'œil n'a plus à accommoder lorsqu'il aperçoit un autre avion ou lors de la transition vol aux instruments vol à vue.


cockpit du B737-700

CAS DE L'HORIZON

Il est possible d'utiliser les horizons existants et déjà au point en modifiant peut-être un peu leur cadran pour tenir compte des nécessités d'éclairage et du fait que ce cadran sera lu " à la loupe " et en image à l'infini sur le ciel.
Il est cependant préférable de profiter de la centrale d'assiette qu'on trouve sur tous les gros avions modernes pour en utiliser directement les signaux dans un répétiteur spécialement conçu. On peut également, au prix d'une légère complication (ou en acceptant une taille inhabituelle pour cet instrument), rendre le débattement angulaire de cet horizon artificiel vu à travers le pare-brise, identique à celui de l'horizon naturel.
Cette condition n'est pas indispensable, mais elle permettrait une précision idéale, et les réactions du pilote seraient naturelles et identiques en vol à vue comme aux instruments.

SCHÉMA DE PRINCIPE

La somme des distances 0M+MC est choisie égale à la distance focale de la lentille, de sorte que la maquette et la partie de l'écran située juste derrière soient dans le plan focal de la lentille, renvoyé à 90° par le miroir M.
Leur image virtuelle en est vue à l'infini à travers la glace sans tain disposée derrière le pare-brise. L'écran est formé d'une portion de surface cylindrique dans l'axe de laquelle passe l'axe d'articulation. Cet axe est porté par un étrier, lui-même articulé sur un axe perpendiculaire au premier et parallèle à l'axe de roulis de l'avion, de sorte que lorsqu'il n'y a pas d'inclinaison latérale, l'axe d'articulation de l'écran est parallèle à l'axe de tangage.
L'écran porte, parallèlement aux génératrices de sa surface cylindrique, une ligne d'horizon et des lignes graduées 5°, 10°, 15° et 20° de cabré et de piqué +/- 20° semblent suffisants). Il peut être constitué d'une matière translucide de teinte blanche vers le centre, bleue vers le cabré et noire vers le piqué (en teintes dégradées, pour permettre de voir d'un coup d'œil en cas de perte de contrôle si l'on est en piqué ou en cabré). Il est équilibré par contrepoids.
Si le rayon de la surface cylindrique de l'écran est égal à OM+MC (distance focale de la lentille), le déplacement angulaire de l'image virtuelle de l'horizon artificiel est identique à celui de l'horizon vrai. Cette condition étant probablement difficile à réaliser pratiquement (encombrement si le rayon de l'écran est grand; et, pour une lentille de diamètre suffisant, difficulté de trouver une distance focale assez réduite), on peut envisager une multiplication mécanique (ou électrique avec des synchros spéciaux ou servos de repositionnement) telle que le mouvement d'un point de la circonférence de l'écran soit identique à celui qu'il aurait si son rayon était égal à la focale de la lentille.

Par exemple, si on choisit une focale de 100 mm et que le rayon de l'écran soit de 25 mm, il faudrait que l'écran ait un mouvement multiplié par 4 par rapport au synchro clé tangage.

DISPOSITION DES INSTRUMENTS

Il est bien évident que la solution proposée ci-dessus apporterait une amélioration de lecture de l'horizon, mais il est d'autres instruments très importants qui doivent aussi être lus souvent.
On peut utiliser le même procédé optique pour lire un nombre restreint d'instruments importants, en se limitant, le cas échéant, à une portion du cadran la plus intéressante dans le cas où le vol aux instruments doit être particulièrement précis (par exemple pour le badin : secteur des vitesses d'approche et de décollage).
Cependant si l'on peut, dans une phase intermédiaire, améliorer considérablement la lecture des instruments, nous ne tenons pas encore la solution d'avenir. Certains instruments sont d'ailleurs insuffisamment au point, et en particulier celui qui devrait donner le paramètre fondamental du vol c'est-à-dire l'indicateur d'angle d'attaque (unes précision de ± 0,1° serait souhaitable). Malgré cette carence, on peut déjà songer au véritable instrument intégré, ce qui ne serait pas une superposition d'instruments distincts sur un même cadran, mais un instrument à pilotage préaffiché, tel que doit l'être un Zéro-Reader.
Il suffirait au pilote de voir, par le système optique indiqué plus haut, le cadran d'un instrument (type Zéro-Reader Z2), ainsi que deux ou trois instruments essentiels qui en permettent le contrôle ; les autres instruments, considérés comme secondaires, restant sur le tableau conventionnel.

ATTERRISSAGE SANS VISIBILITÉ

Il est inutile d'épiloguer sur le tort énorme causé à l'aviation de transport par les déroulements dits au brouillard et sur le bond prodigieux de son essor si l'atterrissage réellement sans visibilité pouvait devenir aussi sûr que l'atterrissage à vue.
Disons seulement qu'avec des moyens, somme toute rudimentaires, des pilotes bien entraînés y parviennent au cours de vols d'entraînement.

Par contre, les moyens utilisés dans les systèmes d'atterrissage automatique actuellement en essais sont d'une effroyable complexité et leurs promoteurs parlent peu volontiers du nombre d'atterrissages où le pilote humain a dû reprendre les commandes. Mais, outre leur complexité, ces systèmes ont, aux yeux des pilotes qui doivent garder en dernier ressort la responsabilité du vol, deux inconvénients majeurs :

· ils les priveraient d'un entraînement déjà insuffisant aux arrivées sans visibilité;
· ils leur enlèveraient les moyens d'assumer leur responsabilité réelle à partir du moment où l'avion, guidé automatiquement, descend au-dessous des minima du pilote humain avec les instruments conventionnels dont il dispose. (On s'est en effet aperçu, au cours de la mise au point de ces systèmes, que les instruments conventionnels et en particulier l'I.L.S., sont insuffisamment précis.)

Il serait donc souhaitable de trouver un système qui permette au pilote de voir, à travers soit pare-brise les repères essentiels qu'il utilise au cours d'une approche à vue :

· La position de son avion : l'horizon décrit plus haut peut la lui donner avec plus de précision qu'à vue.
· L'image des lampes de balisage et de la ligne d'approche (ou une image schématique).

Un tel instrument n'est pas impossible à réaliser. Les recherches peuvent s'orienter dans différentes voies :

· Système détecteur d'infrarouges émis par les lampes au sodium du balisage et restituant leur position.
· Système type radar, donnant les images de quelques beacons-responders placés parmi les lampes de balisage (un nombre restreint suffit).
· Système basé sur le principe de l'A. D. F., donnant dans les plans horizontaux et verticaux les écarts angulaires par rapport à l'axe de l'avion et la verticale gyro de quatre petites balises spéciales placées aux quatre coins de la piste. ... Ou tout autre système permettant d'obtenir la vision des points caractéristiques de la piste tels qu'on les voit à travers un pare-brise.

René LAMI.